Réduire le coût des dépenses de santé dans les pays développés, permettre aux pays « sous développés » d’accéder aux soins, inciter à la recherche et à l’innovation dans les firmes sont les enjeux de ce choix.
Le marché des génériques est un marché peu rémunérateur. Parmi les pays « génériqueurs » on compte l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud, le Brésil, […] et parmi ceux qui sont hostiles aux génériques on peut citer les États-Unis et la Suisse.
Le médicament est-il un produit comme les autres ?
La fonction du médicament la plus communément partagée est d’interagir au contact d’un corps afin de rétablir un état antérieur ou de modifier cet état. Le « produit », quant à lui, étant le résultat d’une activité. Le corps, dont il est question ici, c’est le nôtre. Accepter un médicament c’est accepter qu’un produit étranger investisse notre intimité pour la modifier. Cette démarche requiert la confiance et le plus souvent un ou plusieurs médiateurs légitimés par une autorité. Le consommateur qui a recours aux médicaments est un être souffrant que la douleur révèle à lui-même et qui place dans les médicaments ses espoirs. Ce cheminement, côte à côte du consommateur avec la Marque, dure et se répète tout au long du traitement. Elle crée une relation basée sur l’attente et la nécessité du côté du patient et sur l’activité commercial du côté du laboratoire. Si, derrière chaque consommateur de médicament, on peut personnaliser un patient, pour le médicament seul son nom ou son principe actif le personnifie, l’emballage, la forme du médicament et sa couleur restant anecdotiques.
Le brevet
Le brevet est une méthode pour stimuler les investissements et inciter à la recherche. La recherche est coûteuse, risquée et parfois s’avère infructueuse.
Il faut entre 10 et 15 ans en moyenne entre la découverte d’une molécule et sa commercialisation. Avec une probabilité de succès de 7%.
Il existe donc un danger permanent que les firmes n’investissent pas les sommes nécessaires et laissent les autres s’occuper de la recherche dans le but de bénéficier gratuitement de l’information.
Le brevet offre le droit exclusif d’utiliser son invention de 8 à 20 ans voir 25 ans avec prolongation (durées données à titre indicatives, susceptibles d’être modifiées). L’idée c’est un contrat social entre le découvreur et la société, sachant que la difficulté réside dans le niveau de protection et sa durée en fonction de la connaissance nouvelle apportée à la société. On reproche le plus souvent un déséquilibre en faveur de l’industrie pharmaceutique.
En France la propriété intellectuelle des médicaments est entrée dans la loi générale des brevets en 1960. Elle en est sortie et entrée (plusieurs) fois auparavant. Cette attitude relève du pragmatisme, elle révèle l’adaptation et le soutien de la nation au développement de son industrie pharmaceutique et par voie de conséquence à sa protection.
Les protections s’appliquent aux molécules ainsi qu’aux procédés de fabrication.
Le coût des médicaments non génériques
Il se compose des postes suivants :
– Recherche, développement, essais cliniques
– Fabrication du principe actif qui nécessite des installations perfectionnées et une main d’œuvre qualifiée
– Fabrication de la formulation complète avec les excipients, processus accessible aux pays émergents
– Transport et distribution
Dans les conditions qui sont celles d’un risque de violation ou de détournement du droit des brevets, les Marques ne souhaitent pas produire de médicaments dans les pays émergents. Elles évitent ainsi le transfert de technologie et font pression sur les gouvernements pour qu’ils appliquent les règles du droit à la propriété intellectuelle.
L’intérêt des génériques
– Le coût
– On peut rassembler plusieurs molécules de différents laboratoires dans une formulation douce en termes d’effets secondaires et de confort pour le patient (trithérapie pour le Sida).
Prévalence et rentabilité
Si la prévalence (rapport du nombre de cas d’une maladie à l’effectif d’une population) diffère selon la richesse des pays, le modèle économique des laboratoires privés, quant à lui, repose sur la rentabilité financière. Il en résulte que la recherche privée se consacre prioritairement aux problématiques des « pays riches » et dans une moindre mesure aux maladies spécifiques des « pays pauvres ». Cependant, il faut noter que l’arrivée sur le marché d’une population provenant des pays émergents, capable de payer pour se soigner à partir de génériques incite les laboratoires à reconsidérer leur politique commerciale et à se tourner vers une logique de volume.
Quelques dates
Avant 1994 : il était admis dans les traités internationaux de l’OMPI, Office mondiale pour la propriété industrielle, que des pays à niveaux de développements inégaux étaient fondés à avoir des systèmes de brevets différents. Si on comprend que dans les pays riches on veuille protéger les firmes, dans les pays pauvres l’idée était qu’il n’y avait aucune protection sur les molécules, que l’on avait le droit de les copier et de les reproduire parce que l’impératif de santé publique l’emportait sur le fait d’inciter à la recherche et à l’innovation.
1994 : Marrakech – Rencontre de l’OMC, Organisation mondiale du commerce
Signature des accords sur les droits de propriété industrielle touchant au commerce : on étendait à tous les pays le droit de propriété sur un brevet (et sur les médicaments) alors que jusqu’à présent tous les pays n’étaient pas concernés. Le but étant d’ouvrir le marché le plus possible avec pour danger la difficulté pour les pays pauvres d’accéder aux brevets (protégés et cher).
2001 : Doha – Déclaration
L’OMC reconnaît qu’il y a des cas d’urgences nationales où l’on devait permettre des dérogations pour la raison du droit à la santé publique.
2002 : Les États-Unis rejettent l’accord (un seul pays contre 143 pays a suffit pour annuler l’accord).
2003 : cette proposition a été reformulée. La procédure pour commercialiser un générique avant l’heure, devient compliquée et contraignante même avec l’aide d’associations. Cette proposition en février 2005 est reconduite pour plusieurs mois mais n’est pas incorporé dans le droit international.
1er janvier 2005 : tous les pays doivent appliquer les droits sur les brevets, pour les pays les plus pauvres la limite est fixée à 2016.
Pour conséquence, la Chine, l’Inde, le Maroc, la Turquie, le Brésil… devront se plier à ces accords et cesser de produire et de revendre des médicaments à bas prix. Il n’y aura donc plus de générique pour les nouvelles molécules. Les grandes firmes vont se retrouver en position de monopole, les prix risquent de s’en ressentir.
Début 2005 : Novartis, laboratoire Suisse, deviendrait le numéro un mondial des médicaments génériques après l’intégration de l’américain Eon Labs et de l’allemand Hexal.
En France, Biogaran (pôle génériques du laboratoire Servier) et Merck générique ont communiqué sur leurs produits, témoignant de l’intérêt que porte les laboratoires à ce marché en plein essor.
Ces changements en termes de Droit ont modifié la réflexion sur la santé, elle devient une question de justice alors qu’on l’appréhendait comme une question de charité. Cette évolution a pour conséquence d’engager les compagnies contre les gouvernements (Sud-Africain, Indien…) dans des procès.
La contrefaçon des médicaments
Dans les pays pauvres et en voie de développement où les normes en matière de qualité et de sécurité des médicaments sont moins contraignantes on peut trouver de nombreux médicaments contrefaits en vente avec des conséquences graves pour la santé des patients.
« Comment résoudre le problème ? ServBlock tokenize au format numérique des certificats papiers adossés à des médicaments pour suivre en toute transparence la chaîne d’approvisionnement et évincer le risque de contrefaçon. Plus concrètement, chaque processus métier est signé par les participants, stocké puis partagé via une blockchain qui montre la propriété des actifs depuis leur création. Chaque processus commercial est partagé entre les participants commerciaux, garantissant ainsi la traçabilité à chaque arrêt. » (Laurent Pignot – Zonebourse)
Ambivalence comportementale de l’industrie pharmaceutique
L’industrie pharmaceutique réalise conjointement avec les ONG et parfois avec les autorités locales des actions sanitaires ponctuelles. Ces programmes concernent : la distribution de médicaments, la vaccination, des campagnes d’information et de prévention… D’un côté si elles soignent à moindre frais les populations des pays les moins avancés de l’autre en fournissant des produits gratuitement ou à prix coûtant elles gênent ces pays dans leurs démarches pour obtenir des « licences obligatoires » auprès de l’OMC (voir ADPIC).
Image de Marque des laboratoires pharmaceutiques
Plusieurs comportements de l’industrie pharmaceutique dégradent la perception des laboratoires auprès du public, parmi ceux-ci on peut citer :
> Les conditions dans lesquelles sont pratiquées les tests des nouveaux médicaments notamment dans les pays en développement (qualité de l’information des volontaires, prise en charge en cas d’infection…)
> Le risque de collision, de conflit d’intérêt entre celui qui recherche, produit, teste (essais cliniques), rédige les publications sur les médicaments, le prescripteur et le patient (OMS, Afssaps)
> Les essais des médicaments sur les animaux
> L’influence des laboratoires sur les prescriptions médicales par l’effet de démarchage des médecins
> La présence de principes actifs des médicaments dans les eaux usés et leurs effets sur la faune et la flore
> …
L’industrie pharmaceutique répond à la dégradation de son image par des programmes sanitaires, des chartes et des codes de déontologie.
IFPMA : International Federation of Pharmaceutical Manufacturers & Associations
LEEM : Les entreprises du médicament
Responsabilités des consommateurs, de la Marque nation et des Marques commerciales
Rappelons ici, en préambule, pour relativiser nos comportements et souligner leurs ambivalences que certes nous sommes des consommateurs mais aussi des citoyens et du fait de notre activité professionnelle les acteurs de nos entreprises.
La capacité des consommateurs à s’émouvoir, s’indigner, se culpabiliser est constante dans nos sociétés médiatisées. L’émotion se vend bien, si elle rassemble et déclenche des mouvements de masses, ponctuels et brefs elle génère peu d’attitude militante soutenue. Pourtant c’est bien l’attitude des consommateurs solvables qui intéresse les laboratoires.
Regardons ici les préoccupations de chacun des responsables :
– Les consommateurs désirent préserver leur santé
– La Marque nation se doit d’assurer la santé de sa population, mais se préoccupe aussi de l’emploi et des revenus engendrés par l’industrie pharmaceutique
– Les laboratoires, dans une logique capitaliste recherche les profits.
Ces attitudes convergentes conduisent les laboratoires à développer une politique de soins adaptée aux patients solvables et encouragent implicitement pour des raisons de coûts et de législation des pratiques discutables dans les pays pauvres et émergents. Quelques unes de ces pratiques consistent à valider des médicaments et à faire progresser une recherche destinée aux consommateurs des pays riches aux risques et périls de la vie des volontaires des pays pauvres.
On fait quoi docteur ?
> De fait, les laboratoires dont la fabrication des médicaments étaient basés sur la chimie s’intéressent maintenant aux processus basés sur la biologie (vaccins) car plus délicats à copier une fois les brevets expirés
> Une pharmacie mondiale partagée par tous
> La solution pourrait être que tous les États prennent en charge et proposent à leurs citoyens une assurance maladie gratuite.
> On peut aussi envisager de réduire les délais du droit exclusif d’exploitation en versant des primes à l’invention (par l’État) afin que le médicament devienne un bien public le plus rapidement possible.
D’autres pistes :
– Éviter le dépôt et l’application des brevets dans les pays en développement à faible revenu.
– Encourager les licences volontaires (voir OMS) lorsque la production locale est réalisable et viable.
La question des brevets et de leurs durées restera pérenne, mais on peut espérer que les actions humanitaires bénéficieront d’une efficience plus grande grâce au partenariat entre les trois acteurs que sont le Public, le privé (l’industrie) et les associations caritatives philanthropiques.
Date de publication initiale : décembre 2009