Ma ville est une Marque

“The 19th century was a century of empires, the 20th century was a century of nation states. The 21st century will be a century of cities.”

Wellington E. Webb, Former Mayor of Denver

Ville est issue du mot latin villa qui dénommait une exploitation agricole. Il a prévalu aux dépens du nom urbs (ville) qui a fait pour une part d’entre nous des urbains.
Depuis la seconde moitié du XXe siècle, les grandes villes s’administrent à l’image des Marques commerciales. Leurs gestions et leurs stratégies en témoignent, elles s’emploient à attirer touristes, manifestations en tous genres, sièges sociaux, investisseurs. Pendant ce temps, les différences se creusent entre les villes qui se présentent comme internationales, ouvertes, cosmopolites, libérales, multiculturelles et celles du milieu rural.
Dans un environnement où les distances s’abolissent et le temps se contracte la compétition entre les villes d’accueil devient internationale, elle s’intensifie et s’ouvre aux pays émergents.
La liste des indicateurs qui vous est proposée permet de les évaluer, de les comparer et ainsi de les différencier. Ces indicateurs sont évolutifs, certains prennent de l’importance d’autres s’effacent tandis que de nouveaux apparaissent au gré des besoins, des tendances, ou de facteurs indépendants.

Les indicateurs, facteurs et critères qui font de ma cité une Marque

La population : le nombre d’habitants, ses communautés…
La situation géographique : le climat, la proximité de l’océan ou/et de la montagne, certaines villes profitent de leur situation géographico-politique à l’intersection de continent comme Istanbul en Turquie, lieu de rencontre de l’Asie avec l’Europe…
Le statut : capitale nationale, régionale, place boursière/financière (Londres, New York), lieux de pèlerinage (La Mecque, Lourdes)…
La santé : qualité et accessibilité aux soins, crèches, services hospitaliers…
L’environnement : qualité de l’air, présence d’espaces verts et de parcs, de zones piétonnières et de pistes réservées aux vélos, mise à disposition de vélos, de véhicules électriques accompagnés de bornes de recharges, limitation du trafic automobile et des entreprises polluantes…
Cities are vital in the transition to a sustainable economy. CDP helps cities disclose their environmental activities, understand their impact and take action.
Les infrastructures : l’habitat, l’hôtellerie, les bureaux, les transports (bus, gare, aéroports, autoroutes), liaisons télécoms à grande vitesse et gros débit (Internet), hôpitaux, éclairage public…
Le culturel – le tourisme : nombre d’événements culturels et sportifs de taille internationale, architecture, mode, design, nombre de voyageurs internationaux, musées, théâtres, stades, piscines, attractions, art culinaire, villes jumelées, shopping… On peut noter que la promotion des villes au travers de manifestations telles que les Jeux olympiques ou les coupes du monde de football sont perçues par une partie des résidents comme des dépenses dispendieuses, mal employées, sources de nuisances alors qu’elles auraient pu servir à améliorer la vie de la communauté.
Le politique : les régimes politiques (démocratique, autocratique, théocratique…), nombre d’organisations internationales, de conférences internationales organisées dans la ville, d’espaces de congrès et de conventions, d’ambassades et consulats (exemples : Washington, Bruxelles, Genève)…
Information : liberté de la presse, médias, agences de presse, canaux de diffusion…
Propreté et entretien de la ville, le traitement des eaux, ravalement, service de ramassage des ordures, nettoyage des trottoirs et de la chaussée…
Sécurité des lieux et des personnes
Stabilité gouvernementale, grèves, manifestations, transparence, corruption…
Réseaux sociaux : présence en ligne (référencement), commentaires (buzz, influenceurs) générés autour de la ville dans les réseaux sociaux ainsi que dans la presse écrite et l’audiovisuel…
Capital humain : ville d’émigration ou d’immigration, population étrangère née sur le territoire, importance du secteur tertiaire…
Éducation : nombre d’écoles, de lycées internationaux, d’universités, de grandes écoles, de MBA…, de diplômés nationaux et étrangers, classement international des grandes écoles, bibliothèques…
Business : création et implantation de sociétés nationales et étrangères, nombre de joint ventures, facilités pour les entreprises à s’implanter et à obtenir des crédits, obligations à respecter par les entreprises…
Recherche et développement, vision à long terme, prospective : nombre de centres de recherches, dépenses en recherches et développement par les entreprises publiques et privées, think tanks…
Économie, finance : sources et montant des revenus des villes, moyenne des revenus de leurs habitants, prospérité économique, volume du transport aérien de fret…

C’est au regard de ces critères que les villes deviennent des destinations attrayantes. Leurs objectifs sont d’attirer des talents pour qu’ils puissent s’y développer intramuros dans les meilleures conditions. Dans cette cité « idéale », l’industrie et le commerce y côtoient le tourisme, le sport, la culture et l’entertainment mais aussi l’extrême pauvreté, l’insécurité, la pollution. La ville irrigue dans toute la région, Paris devient le « Grand Paris » et les métropoles réunissent sous un même étendard une communauté d’agglomérations avoisinante.

Endettement de quelques villes au 31/12/2019 :

VilleNombre d’habitants En cours
de la dette
en milliers d’euros
Par habitant
en euros
Paris2 210 875 6 845 9683 097
Marseille870 0181 576 4641 812
Lyon523 164391 762749
Toulouse482 738151 247313
Source les comptes des communes economie.gouv.fr

Ma ville ne ressemble à aucune autre

Dans un monde globalisé où tout tend à se ressembler, se différentier pour apparaître unique est une question primordiale, l’équilibre entre la préservation et l’innovation s’y révèle une contrainte nécessaire. Dans cet environnement compétitif, l’architecture avec ses monuments joue un rôle majeur de par sa capacité à être reconnaissable aux yeux de tous, ainsi la Tour Eiffel, le pont de Londres ou bien encore l’opéra de Sydney en Australie sont identifiables par le plus grand nombre et ont acquis le statut de symbole. Pour Venise c’est la cité dans sa totalité, tandis que pour Barcelone c’est le style d’un architecte, Gaudí, architecte de la basilique Sagrada Família et de nombreux édifices à Barcelone qui sont les empreintes de la ville dans la mémoire des foules. Tous ces ouvrages sont des signatures, véritables têtes de pont pour identifier l’origine des messages. À l’instar d’un bâtiment, une sculpture peut tout aussi bien symboliser une ville, comme c’est le cas avec la statut du Christ surplombant Rio de Janeiro où bien encore la statut de la liberté à New York. Cependant, il faut bien le reconnaître, dans un contexte où toutes les villes cherchent à se différencier, la plupart des constructions de références récentes sont signées par un groupe restreint d’architectes dont les ouvrages se démarquent trop peu les uns des autres pour réussir à donner à la ville une identité reconnaissable. Le projet « The line » à Neom, Arabie saoudite contrariera peut-être cette affirmation, s’il arrive au terme de sa construction.
Comme nous venons de le voir les villes sont friandes de symboles, car elles ont compris que l’« Image is everything when it comes to global city brands ». Si les villes impriment dans nos esprits les images de leurs monuments, conséquemment elles y gravent leurs slogans, ainsi, au choc des images s’ajoutent le poids des mots*: « I (Heart)(love) New York », la « Big Apple ».
Pour répondre au challenge qui les attend, les bureaux de conventions et du tourisme ont été refondus pour proposer des offres conjointes où le travail et les distractions se marient dans un cadre harmonieux. La ville se présente ainsi sous des profils différents et complémentaires. Pour réussir ce pari, les budgets publicitaires et promotionnels ont augmenté et les villes se sont adjointes les services de cabinets de consultants pour les assister dans leur branding.
Dans le concert des nations, les manifestations d’ampleurs internationales facilitent la promotion des villes et drainent des investissements propres à développer les infrastructures de la ville. On s’aperçoit par exemple que les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football sont de véritables catalyseurs à modifier le paysage urbain. De par la ferveur qu’ils suscitent, ces événements ont la faveur des médias. Sous l’éclairage de leurs projecteurs, ils présentent à la planète entière les villes sous leurs aspects ludiques.

La ville change

Le centre des agglomérations devient un lieu d’histoire, de culture, de tourisme et de détente réservé à une classe aisée. Les quartiers populaires se transforment en quartier à la mode puis deviennent des lieux de résidences pour les classes moyennes repoussant les habitants à faible revenu en banlieue. Les bars sont remplacés par des Starbucks ou des coffeeshop, les échoppes par des Marques de vêtements et de bazar quand aux lieux de mémoires et de vie ils deviennent des musées. Les villes conservent leurs lieux de caractère sous des formes présentables au public et si elles n’arrivent pas à éradiquer la pauvreté et la délinquance dans leurs favelas elles en font des lieux de curiosité et de promenade sous surveillance.
La ville change, devient intelligente et secure (caméras), c’est dû à l’évolution technologique (smart cities index 2024). La communication et l’interaction en temps réel dans l’espace urbain s’y intensifient. Le mobilier urbain, les transports, les aéroports, les gares, les centres commerciaux, etc., connectés entre eux échangent des informations qu’ils mettent à notre disposition.

Chronotopie et densité

Afin d’éviter que la densité ne devienne promiscuité on peut passer d’une ville horizontale (Paris) à une ville verticale (New York), augmenter le prix du m2 et des loyers mais aussi faire en sorte qu’un même lieu serve à plusieurs usages selon l’heure de la journée, le jour de la semaine, la semaine dans le mois, le mois dans la saison et la saison dans l’année.

Construire le futur de la ville

Le moteur principal de la communication et de la promotion c’est l’émotion qu’elle suscite. Mais l’émotion disparaît rapidement si on ne l’entretient pas.
Capitaliser sur l’image demande des études et des résultats, parmi les critères, le prix du m2 de surface habitable ainsi que le montant des dépenses des touristes sont des marqueurs pertinents, mais insuffisants pour analyser comment les cités évoluent les unes par rapport aux autres et de nouveaux indicateurs sont régulièrement requis et développés pour pister les tendances émergentes.
Quoi qu’il en soit, on trouve le plus souvent parmi les villes les mieux notées, celles qui présentent un niveau de développement commercial élevé adossé à des structures politiques solides dont le cosmopolitisme et la culture sont une tradition. L’évolution des villes est donc intimement liée au développement économique, humain et environnemental. C’est en se développant dans un cadre harmonieux qu’elles attirent et retiennent les talents, le business, les idées, le capital et génèrent des bénéfices qui profitent au-delà de la municipalité à la région. Une ville avec une bonne réputation est une ville qui sait présenter ses atouts, se projeter dans l’avenir et dont la population apprécie d’y vivre.
On remarquera que dans un espace urbain d’autant plus saturé de signes que sa population est dense, l’information qui émane des pouvoirs publics devient difficile à trouver et à identifier tant les messages sont brouillés par ceux des Marques.

La ville « brandée »

Des villes sous l’emprise des Marques, l’industrie automobile américaine nous en a fourni plusieurs exemples (Détroit/Ford). Ce mouvement réapparaît sous le couvert de l’innovation et de l’interactivité à un moment où l’approche comportementale change. Il s’inscrit dans un espace socio-économico-politique qui prône la participation, l’expérience, la pratique du partage des moyens de transports, des connaissances, du travail, des lieux.
En investissant les villes, les Marques permettent à leurs employés de se loger dans un cadre de vie agréable à proximité de leurs entreprises. Ainsi s’offrent-elles le moyen de les fidéliser. Elles placent la communauté au cœur de leurs visions stratégiques, quitte à déplacer les bureaux de la mairie vers ceux de l’entreprise. En conséquence de quoi les relations des couples Marques-consommateurs, consommateurs-citoyens évoluent, elles « s’expériencent » différemment. Les rapports changent, les Marques s’émancipent de la tutelle de la publicité et du marketing et s’accolent aux consommateurs par le biais de la communauté citoyenne de l’agglomération concernée, ce qui leur garantit un retour sur investissement à long terme.
Cependant, les craintes lors de l’implantation d’une multinationale dans un tissu industriel et urbain pauvre sont réelles et légitimes, car elles rendent les villes dépendantes et vulnérables aux événements et aux changements économiques. Avec leurs faibles moyens, les localités risquent de voir les entreprises internationales étendre leurs juridictions de Marques à ce qui pourrait être considéré comme des biens collectifs voire à de nouveaux territoires. Mais, doit-on s’inquiéter de cette fusion de la ville avec la Marque commerciale sachant que c’est une réelle opportunité pour les villes de retrouver un nouveau souffle, de créer de nouvelles infrastructures qui profiteront aux générations futures et ainsi permettront-elles à la ville de se projeter dans le futur ? Pourtant, des voix s’élèvent pour dénoncer de tels projets comme ceux d’Apple (Californie), Microsoft (Seattle) ou bien encore de Google (Baie de San Francisco) qui après avoir pratiqué l’évasion fiscale, tentent de résoudre une crise du logement à laquelle elles ont contribué avec l’augmentation des prix qu’elles provoquent.

Le pouvoir des métropoles face à celui de l’État nation

Les grandes métropoles rivalisent avec le pouvoir politique central des États nation. Le passage par l’élection en tant que maire d’une grande ville est un tremplin dans la vie politique des candidats. Les administrations et leurs délégations sont pour parties organisées à l’image des ministères avec leurs administrations centrales et leurs directions. La principale différence est la taille et les moyens.

« Avec le développement des villes, les nations se transforment en sociétés multiculturelles. »

Les politiques sociales des villes et celles de l’État se renforcent en matière d’éducation, soins, logements… tandis qu’elles rentrent en conflit sur des questions comme le réchauffement climatique, la pollution, au point d’investir dans des programmes pour limiter leurs nuisances.  À cet égard, les politiques des villes et des États sont ambivalentes, elles favorisent l’industrie, le tourisme, le commerce, la consommation tout en voulant réduire la pollution et l’exploitation des ressources en matières premières.

La commune, le lieu de partage d’un projet commun

Repartir depuis la commune pour reconstruire la politique c’est le projet qui réunit les citoyens dans des listes participatives afin que la politique se fasse par le territoire. Le projet redonne vie à la politique, au partage des responsabilités. Il repense la place des élus dans les décisions. Certes les budgets des communes et l’articulation entre le locale et le globale sont des questions difficiles à résoudre mais l’intérêt qu’il suscite auprès des citoyens est réel.
frequencecommune.fr

*Précédent slogan de Paris-Match : « Le poids des mots, le choc des photos ».

Mise à jour : 26 octobre 2024

Date de publication initiale : 24 juin 2014