Dans les autocraties le parti unique incarne la collectivité nationale avec la prétention d’exprimer et de réaliser tout ce qui est dans l’intérêt de la collectivité. Les régimes autoritaires au pluripartisme contraint et limité s’appuient sur la force tandis que les régimes démocratiques s’appuient eux sur le droit. Cette différence influe sur la construction psychologique de leurs citoyens qui craignent la force et associent le droit à la faiblesse.
Dans les démocraties pluripartites à l’unisson de toutes les Marques, les partis politiques se caractérisent par leur présence et leur taux de pénétration dans la société. Ils s’expriment dans un espace laïque1 et républicain. Ils s’emploient à entendre, décrypter, analyser, capter et porter l’opinion des communautés ainsi que les attentes des électeurs mais aussi à appuyer ou contester les lois du gouvernement. Véritables machines électorales ils diffusent leurs idées, voire leur idéologie associée à un programme d’action dont la stratégie a pour fin le pouvoir. Ce pouvoir est représenté par un chef qui décide et répond au besoin d’autorité des citoyens. À cette verticalité du pouvoir s’oppose l’horizontalité de la participation.
On notera qu’au XXIe siècle la plupart des idées émergent des milieux universitaires, associatifs : think tank, syndicats, ONG…
La crise de la forme parti
Le Gouvernement rencontre de nombreux événements contingents tout au long de son mandat. Malheureusement, nos institutions peinent à traduire de manière légitime, crédible et acceptable par tous l’opinion des citoyens et à organiser des politiques publiques qui satisfassent à la fois la communauté et le particulier. Pourtant, l’État s’emploie à organiser des consultations citoyennes qui recueillent nombre de propositions mais celles-ci ne sont que rarement traduites en loi et décret et si elles le sont, elles le sont, vidées de leur substance au point où l’on peut se demander si cette démarche n’a pas uniquement pour but de dévitaliser les protestations et désamorcer les conflits. Résultat, les individus en sont venus à s’abstenir d’aller voter et à préférer la rue comme terrain d’action au choix que leur offrent le Parlement et les urnes pour faire aboutir leurs revendications. D’ailleurs, les citoyens ne votent-ils pas de moins en moins « pour » un projet en signe d’adhésion mais « contre » pour y faire barrage.
On n’adhère plus à des partis mais à des ONG.
Le nombre des adhérents et des militants des partis politiques diminue tandis que leur moyenne d’âge vieillit.
Dans un pays comme la France le scrutin majoritaire à deux tours contraint les partis à s’unir en recherchant des compromis pour acquérir ou se maintenir au pouvoir.
On notera l’ancienneté des partis politiques anglo-saxons qui s’inscrivent dans la durée (voir ci-dessous les tableaux) face aux partis politiques français dont la naissance et la durée de vie sous le même nom n’excèdent guère une ou deux générations. Les Français on même élu un Président de la République qui créa son propre parti (En marche) pour la circonstance. Ce phénomène n’est pas unique il s’est reproduit dans l’opposition (La France insoumise). C’est dire le doute qu’éprouvent les citoyens envers la capacité des partis historiques à impulser des réformes.
Royaume-Uni (les trois principaux partis) | Dates de création |
Conservatives | 1830 |
Labour | 1900 |
LIBERAL DEMOCRATS | 1988 |
Etats-Unis d’Amérique (les deux principaux partis) | |
DEMOCRATS | 1792 |
GOP Republican Party, Grand Old Party | 1856 |
Existe-t-il une alternative à la forme parti ?
Les citoyens n’adhèrent plus au « parti » mais à un « mouvement ». On n’est plus ni de droite ni de gauche mais progressiste ou conservateur, voire libéral, parmi lesquels il ne faudrait pas confondre les libéraux culturels avec les libéraux économiques2 sans parler de leurs opposants les antilibéraux culturels et les antilibéraux économiques.
« [ …] le libéral, qu’il faut distinguer de l’anarchiste, soutient que la seule absence de contrainte ne donne pas la liberté à une société volontairement constituée, qu’elle ne fait qu’inaugurer une lutte compétitive (competitive struggle) dans laquelle ceux qui sont sans pitié exploiteront les autres ».
Lippmann3, citation extraite du livre de Barbara Stiegler « « Il faut s’adapter ». Sur un nouvel impératif politique », paru dans la collection nrf essais Gallimard.
Peut-on, dans ces conditions, envisager une nouvelle approche pour faire de la politique alors que les partis de droite et de gauche ont incarné le clivage économique et social de la population depuis la révolution industrielle avec laquelle naquit le syndicalisme et se développa le capitalisme à la fin du XIXe siècle. D’autres auront parlé d’une troisième voie(x) avec l’écologie politique qui date du début des années 70 (1970) avec comme figures « emblématiques », Herbert Marcuse et André Gorz. Celle-ci n’a jamais réussi à trouver une assise dans le public qui lui préfère la problématique du pouvoir d’achat.
Le personnel politique des partis
Les élus des Marques politiques ont un rapport fort à l’élection, ils sont en représentation direct avec la nation. Les hommes et les femmes qui les composent sont devenus des professionnels de la politique et peu représentent la diversité sociale. Leur langage se construit autour de généralités.
Les politiciens sont-ils là pour remplacer Dieu ?
Peu d’entre eux possède une expérience professionnelle dans l’entreprise privée qui ne soit pas celle d’une entreprise dans laquelle l’État détienne une participation, sans parler de ceux qui ont toujours vécu sous les toits des partis politiques ou des administrations. S’ils sont de remarquables candidats, voire compétiteurs ils peuvent s’avérer être de médiocre gouvernants. Bien qu’animés d’une conscience individuelle ils votent le plus souvent selon les consignes de leur parti, quant à leur comportement de rentier il n’encourage pas l’émergence de nouvelles formes de participation citoyenne.
La Rue au pouvoir… l’espace et le temps d’une manifestation
On descend dans la rue parce que l’on prend la démocratie au sérieux et qu’on a le sentiment de ne pas être entendu. On y exprime son impatience avec enthousiasme, violence parfois.
Tout changer pour que rien ne change.
D’ailleurs, la Rue n’est pas en soi productrice de bienveillance, de progrès et de respect de l’autre. Elle est la manifestation d’un symptôme sans en être la solution, mais qui apparaît nécessaire à la société pour se construire différemment. En cela, la Rue est un geste d’exigence politique.
Objectif : améliorer les institutions démocratiques
La démocratie est un aménagement entre les citoyens et le pouvoir adossé à la puissance. Dans le contexte qui est le nôtre on s’aperçoit que la participation des citoyens pèse peu dans le choix des lois et leurs contenus alors qu’ils souhaiteraient être consultés sur les politiques qui les affectent. Dès lors, qui peut le mieux assumer la charge de prendre les décisions publiques majeures affectant le peuple au nom de celui-ci si l’on ne veut pas s’en remettre au seul pouvoir des experts ?
Les citoyens sont plus intéressés par la question de l’indépendance individuelle que par celle de la participation politique au point qu’elle provoque une désaffection pour cette dernière.
Face à la réduction de la démocratie au simple comptage des voix et à la sanction du nombre, des décisions plus légitimes pourraient émerger lors de débats médiatisés présentant les enjeux où s’exprimeraient des arguments contradictoires dont l’issue serait sanctionnée par un vote populaire.
Lien : Les élections en France
La démocratie algorithmique et son parti politique l’IA
La représentante du parti de l’IA est une intelligence artificielle. Sa politique se base sur des calculs statistiques et probabilistes à partir de données massives. Automatisée, l’IA ne produit que du plus probable. Elle remplace l’interprétation, l’invention, l’intelligence humaine.
Cependant, pour ne rien vous cacher, elle éprouve quelques difficultés à douter, en fait, elle a du mal à s’exprimer sur les décisions qu’elle prend. Elle résiste mal aux perturbations imprévues, pour le dire plus précisément elle ne réussit pas à improviser dans des conditions autres que celles rencontrées lors de son apprentissage.
Si vous vous sentez quelque peu dépossédé de votre capacité d’agir, n’ayez crainte, c’est normal. Mais, voyez-vous, même si elle ne servait qu’à imiter ou simuler nos comportements on devrait cependant réfléchir à sa capacité à prendre de meilleurs décisions, plus proches des besoins, des attentes de nos concitoyens grâce à sa capacité à collecter, analyser, corréler et traiter de grands volumes d’informations, en faire la synthèse et éditer des réponses personnalisées. Aussi, peut-on penser qu’elle impliquerait plus et mieux un grand nombre de citoyens dans la vie collaborative et la prise de décision collective. Vous en doutez et vous n’avez pas tort car vous voyez poindre les questions de la représentation, de la participation, de l’accessibilité à la vie numérique sans oublier les risques de contrôle sur les individus. Vous vous dites même qu’elle pourrait accélérer l’obsolescence des institutions et des procédures démocratiques mais n’oubliez pas a contrario l’aide qu’elle pourrait apporter au développement de la démocratie tout en facilitant l’adaptation de l’action publique aux problématiques de notre temps.
Démocratie et rationalité
La démocratie et la rationalité sont conjointes. Pourtant, peut-on continuer de soutenir que les propositions des partis politiques sont rationnelles quand leurs propos sont mensongers et qu’ils affaiblissent la rationalité mettant en danger la démocratie à des fins de pouvoir ? Dans ce contexte, au nom de quoi les partis politiques sollicitent-ils notre adhésion et notre engagement ?
1/ La laïcité en France s’est faite contre l’église.
Observatoire de la laïcité
2/ Le libéralisme économique encourage l’individu à se prendre en charge. Pragmatique, il fluidifie le marché, produit de la richesse et abandonne les Idées à la société civile. Le républicanisme quant à lui s’écarte de cette doctrine en considérant l’État comme un espace où l’on réfléchit et dégage l’intérêt général.
3/ Les historiens datent l’avènement du néo-libéralisme du colloque Walter Lippmann qui s’est tenu en 1938.
Mise à jour : 18 mai 2024