La vérité est une affaire civilisationnelle. Elle conditionne et structure cet animal humain qu’est le consommateur. Les Marques le savent et pour parvenir à leurs fins, elles se réclament judicieusement de la vérité, sachant que nul consommateur n’ira jusqu’à leur demander de prendre la vérité pour objet et pour fin. Toutefois, en convoquant dans leurs discours :
– des vérités scientifiques bien qu’elles soient des connaissances continuellement mises à jour
– des vérités historiques revues et corrigées selon les auteurs
– des vérités juridiques au suivi d’application précaire
– des vérités sensibles d’artistes ô combien subjectives
… les Marques s’engagent dans une relation qui unit la parole et la réalité sachant qu’aucune vérité n’est subjective alors que les valeurs et les jugements le sont.
« Les vérités de raison se démontrent, les vérités de fait se constatent. »
Leibniz
La vérité est sans finalité, ni interdits, elle ne juge pas. La vérité n’a donc pas de morale, et n’en n’impose aucune. Elle ne s’impose même pas, elle-même, comme valeur. Elle nous dit « ce qui est ». Seuls les hommes s’en préoccupent, ni les choses, ni les animaux s’en soucient.
La Vérité apparaît à certains d’entre nous comme un absolu qui existerait indépendamment de l’homme tandis que pour d’autres c’est un processus en constante élaboration. Ainsi, pour les premiers la Vérité est transcendante tandis que pour les seconds elle se construit, approximative et provisoire.
Déjà là avant nous, la vérité nous accompagne tout au long de notre existence. Elle nous étonne, nous construit en nous surchargeant d’un surmoi moral. Chemin faisant elle devient une préférence psycho-physiologique civilisationnelle qui se transforme en condition de vie. Acquérant le statut de valeur elle modifie notre existence au point que l’on peut se demander si nous pourrions nous en priver sans modifier nos comportements.
« Les hommes aiment tellement la vérité que, quoi qu’ils aiment, ils veulent que ce soit la vérité ».
Saint-Augustin
Les critères de la vérité
• La vérité habite-t-elle les choses ou la pensée ?
• Comment dire la vérité avec les signes que sont les mots, les chiffres, les représentations picturales, acoustiques ? En d’autres termes avec quelle exactitude le langage traduit-il notre perception ?
• Peut-on prouver la vérité, avec quelles preuves ? Que valent des vérités qui ont besoin d’être prouvées ? « Les causes honnêtes ont-elles besoin d’être soutenu? »
• Comment la vérité se manifeste-t-elle, comment l’identifier, est-elle toujours présente et définissable ?
• Avant de regarder la ou les vérités encore faut-il :
– séparer les vérités de raisonnement, des vérités de faits ou séparer les vérités dites logiques d’autres dites empiriques sachant que la vérité est indivisible
– décrire le contexte dans laquelle elle voit le jour
– mettre à distance le sensible et séparer la vérité de notre jugement de valeur qui l’accompagne
– la séparer du bon, du bien et du juste
– la séparer du sens que nous lui attribuons
– « que les contributeurs s’imposent des règles à leurs discours si l’on veut que des vérités dialectiques naissent et se développent »
– vérifier le parcours qui conduit à la conception, vérifier l’énoncé et réfléchir au mode de diffusion des vérités
• Le résultat de l’association de vérités entre elles demeure-t-il une vérité ?
Parmi ce qui nous incline à penser que nous sommes dans le vrai, on peut citer : le sentiment d’évidence, l’intuition, la correspondance de ce qu’on a à l’esprit avec les choses telles qu’elles sont. La vérification expérimentale des hypothèses scientifiques appelées à devenir des lois.
Fatigués de la Vérité et des désillusions qu’elle occasionne, les consommateurs s’en remettent à l’utile.
Entre vérité et mensonge, que choisir ?
La vérité peut déranger, décevoir, provoquer de la frustration. A cela s’ajoute qu’elle est contraignante. Que nous importe dès lors la vérité avec ses connaissances si elle ne nous rend pas heureux ?
Qu’est-ce qui peut motiver un consommateur de s’arracher à ses plus chers désirs pour s’approcher de la vérité ?
Qu’est-ce qui en nous veut la vérité ? Pourquoi les non-vérité, l’incertitude, voire l’ignorance ne sont elles pas aussi enviables que la vérité et son bagage de certitudes ? Pourquoi ne pas choisir ce qui nous fait du bien, qui comble notre attente même si cela a le goût du mensonge et s’écarte de la vérité ? Pire, la vérité comme instrument au service d’une fin ne conduit-elle pas à l’intransigeance, ce fanatisme qui cause tant de douleurs et éloigne des amitiés ? Ne faut-il pas mieux, dans ces conditions, choisir les vérités qui nous conviennent ou évaluer la vérité à l’aune de sa nécessité, son intérêt, son efficacité, ses usages et comptabiliser ses effets au risque qu’une telle démarche ne cantonne la vérité à sa seule réussite comme pourrait y parvenir un effet de discours ou de publicité. Les vérités dépendraient dès lors de ce que l’on peut en tirer, de quoi nous encourager toujours plus fortement à rechercher notre confort dans la satisfaction, à écouter ce que nous avons envie d’entendre, à éviter les informations qui nous dérangent et à côtoyer de préférence ceux qui sont de notre avis. Adieu les fondements vrais et vive les raisons pratiques. Les Marques continueront donc d’être ces constructeurs d’horizons chamarrés où tout est vrai et rien n’est vrai, façonnant les vérités qui nous soutiennent, déployant leurs idéaux en grandes causes auxquelles les consommateurs attachent leurs dévouements pour échapper au chaos de l’insignifiance ou pour donner sens à la vie. Mais, combien de temps nos chics certitudes conserveront-elles le label de vérité, d’aucuns répondront le temps de la dépendance. Heureusement, pendant ce temps nous aurons ressenti la satisfaction d’être propriétaire, propriétaire de ce quelque chose qu’on appelle une fiction.
« Les hommes veulent à la fois avoir raison et être dans la vérité. »
En remplaçant la vérité par la réflexion, l’affectif et l’esthétique, la vérité glisse vers l’utile s’ouvre au relativisme et au syncrétisme. La discussion ne porte plus sur les vérités, mais sur les intérêts que l’on à d’adopter telle attitude plutôt qu’une autre, on se déplace du vrai vers le bien commun et l’on glisse de la vérité vers les valeurs tout en essayant de conserver un tant soit peu de véracité à nos affirmations.
Il est dès lors plus facile et efficace pour les Marques de travailler depuis des vérités fragmentaires, éphémères en ciblant un public restreint choisi à partir des data que le consommateur abandonne derrière lui que de maintenir des vérités éternelles.
La connaissance peut-elle nous dire la vérité ?
Nous revendiquons le droit de savoir mais est-ce que ce désir de savoir recouvre celui de connaître. Nous, consommateurs qui sommes dans la toute-puissance, avons-nous les capacités intellectuelles d’accéder à cette connaissance et d’en juger ?
La connaissance place sa confiance dans la raison à déduire la vérité. Certes, mais encore faut-il se rappeler que les connaissances sont historiques, relatives, approximatives, subjectives alors que la (les) vérité(s)(1) ne le sont pas, que le savoir est toujours incomplet, sans fin, toujours à la recherche de ce qui le complètera alors que les vérités sont déjà là. Cependant, il nous faut bien admettre que lorsque la vérité ne relève plus de la connaissance on voit se développer des idéologies et des croyances qui viennent la contester.
A quelles conditions une connaissance devient-elle légitime, une vérité, admise et acceptée ?
Contradictoirement, si les consommateurs peuvent de toute bonne foi se méprendre sur la nature de ce qu’ils regardent, les Marques peuvent tout aussi bien, en toute connaissance de cause, décider de persévérer dans l’erreur, vouloir qu’il en soit autrement.
Insinuer du doute, relativiser la vérité
Les Marques impliquées dans des actions de justice, accusant un de leurs produits d’être à l’origine du décès d’êtres humains ou d’animaux en nombre, mettent en place des stratégies qui financent la recherche de causalités alternatives. Elles se défendent, en commandant des études contradictoires pour produire des éléments scientifiques dont l’objet est de faire émerger d’autres causes. Par ce moyen elles font diverger l’attention. Elles noient la raison principale parmi d’autres. Mettant sur un même pied d’égalité toutes les causes, elles relativisent les connaissances au point que l’on ne puisse plus voir ce qu’on sait.
Cependant, l’incertitude, le doute mènent à l’indécision qui suspend la décision d’achat. Les Marques se retrouvent dans la position de devoir rassurer le consommateur si elles veulent relancer leurs activités et pour cela elles doivent combler l’ignorance.
Les rapports qu’entretiennent le vrai, la réalité et l’imaginaire avec la vérité
Si nous considérons comme les stoïciens que la vérité est la science déclarative de tout ce qui est vrai et qu’elle est composée d’une multitude de choses vraies, le résultat de l’association d’une multitude de choses vraies demeure-t-il une vérité ? Le discours des Marques associant des vérités et des argumentations renseigne-t-il honnêtement le consommateur ? Là où le vrai est commun et partagé, la vérité est composée et complexe, dispersée parmi les savoirs elle incline la morale des consommateurs. Les Marques l’instrumentalisent aux services de leurs fins. Les laïcs, eux, la recherche avec un « v » minuscule tandis qu’elle s’impose aux croyants avec un « V » majuscule.
L’imaginaire quant à lui ne s’oppose pas à la vérité comme le mensonge, la tromperie, la feinte, le faux… Entre l’exactitude de la vérité et la recherche de notre vérité singulière l’imaginaire produit des effets de réels, il participe à la connaissance. Les Marques le convoquent afin de palier au faible pouvoir persuasif des concepts intellectuels sur les consommateurs. C’est une des portes du sensible qui permet de rejouer notre quotidien.
Nous nous efforçons d’ajuster nos idées à la réalité. Vérifiée par le succès, sanctionnée par l’échec, la vérité pourrait se définir par sa conformité au réel. Valable pour un individu à un instant et un lieu déterminé elle ne le serait plus pour un autre individu dans des conditions différentes.
Les Marques adaptent la vérité à leurs besoins
Les Marques, mettent en forme la vérité, elles choisissent la représentation que doit prendre la réalité. Elles modélisent notre environnement avec des formes langagières, visuelles, acoustiques, gustatives, sensorielles que le consommateur s’approprie. Que devient dès lors la vérité lorsqu’elle traverse ces filtres ?
Alors que nous avions suggéré dans les critères de vérité de se déprendre du sens que nous accordons à la vérité, force est de constater que les Marques ne se privent pas de l’utiliser pour construire leurs « valeurs » et leur « goodwill ».
Pourquoi est-ce si difficile de changer d’avis ?
Cependant la vérité est exigeante elle les contraint à la discipline, la rigueur et la transparence. Elle débouche sur l’éthique, influe sur notre comportement, nous obligeant à devenir des sujets responsables. L’intérêt primant, les Marques peuvent toujours choisir d’énoncer le faux, d’utiliser des paroles équivoques ou bien encore des formules dont on sait qu’elles ne seront pas interprétées par le consommateur avec le sens attribué. Écrire en petits caractères des notes de bas de page qui contraignent le souscripteur de contrats à des frais ou des pénalités sous certaines conditions. A cela s’ajoute la crédulité des consommateurs qui facilite ce procédé lorsqu’ils accordent leur crédit à une Marque ou un individu sans justification objective.
On peut s’ennoblir de la vérité mais il n’est pas certain qu’elle soit vendeuse ou qu’elle fasse adhérer les consommateurs. Si la vérité n’a pas de fin de soi, les Marques se doivent de nous faire comprendre son intérêt si elles veulent nous faire partager sa nécessité. Mais comment y parvenir sans mentir d’une manière éhontée ? Les Marques répondent à cette question par « la fiction » qui permet simultanément d’impliquer le consommateur dans un scénario et construire l’image de la Marque. La vérité devient alors dialectique elle se construit sur le dialogue, la raison, l’imaginaire et le fantasme pendant que d’autres vérités, elles, vous tombent du ciel ou bien encore relèvent du performatif. A cela il faut ajouter que le public réclame seulement l’image de la passion, sa représentation et non la passion elle-même. Il attend la représentation de situations ordinairement tenues secrètes. L’authenticité et la vérité ne sont pas nécessaires à son adhésion seule la figuration des émotions importe.
La Vérité transcendantale des Marques religieuses : une Vérité qui fait norme
Transcendante, révélée, dévoilée, inspirée, assertorique, toute-puissante, indémontrable, la Vérité religieuse propose par delà l’intellect, un chemin d’accès à la Vérité, parfois mystique, voire magique.
« Lorsqu’on croit posséder la vérité, on doit savoir qu’on le croit, non pas croire qu’on le sait. »
Jules Lequier
Cette Vérité, objet de culte dont les croyances sont culturellement transmises par l’éducation se fondent en connaissances vraies ou fausses. Leurs Lois écrites sur des tables sont des commandements qui font normes. En devenant loi et norme cette Vérité dogmatique se présente comme valeur, pose ses repères et répond à nos désirs entachés d’illusions.
En conséquence de quoi, la « vérité » des Marques religieuses engage le croyant dans une attitude de sincérité, de droiture mais aussi dans une relation de dépendance et de fidélité.
Remarque : La Vérité s’est au fil du temps dissociée de l’idée d’absolu vécu dans la foi pour se déplacer sur le versant de l’utile.
Les vérités dialectiques des Marques de partis politiques
La vérité n’est jamais indépendante de ses conditions d’énonciation, elle requiert une forme de désinhibition. De sorte que la vérité en démocratie est différente de celle sous un régime totalitaire. En démocratie, la vérité repose sur le débat public tandis que sous la dictature la vérité est remplacée par une histoire alternative, la logique d’une idée, en d’autres termes, l’idéologie.
Les vérités des Marques de partis politiques procèdent du dialogue développé dans l’intérêt collectif qui lie les citoyens entre eux. Dans un souci de réaliser l’harmonie sociale les vérités des Marques de partis politiques conjoignent le vrai au bien, la connaissance à la politique… Dans le cas où l’on objecterait qu’il n’y a pas de politique vraie, ou plutôt qu’elles le sont toutes car tout le réel est vrai, il serait plutôt question : de comprendre, de vouloir et d’agir.
En propageant des idées fausses auprès des citoyens le personnel politique perd de sa crédibilité et de sa notoriété, risquant ainsi d’être désavoué lors des élections futures. Cependant, on peut vouloir le mensonge pour sa capacité à persuader, jusqu’à fabriquer des mensonges en fonction de leurs efficacités, qui plus est, en politique comme ailleurs, le non-vrai peut se révéler utile.
La vérité élastique des Marques commerciales
La vérité ne suffit pas aux Marques commerciales pour susciter l’adhésion il leur faut encore persuader. Pour cela elles associent à la raison des qualités sensibles.
La vérité des Marques commerciales est une vérité de résultats comme on peut le lire dans cette citation retranscrite (approximativement), extraite du livre de Christian Gatard « Nos 20 prochaines années » :
« La vérité comme une correspondance avec les faits ou une compatibilité des énoncés avec les faits et les résultats. Une vérité qui se construit en symbiose : Les Marques et les consommateurs font route ensemble pour se réinventer les uns les autres. Tout cela mène à l’édification de vérités à multiples facettes, pleines d’histoires qui ont un je-ne-sais-quoi de presque vrai… Cela fait l’affaire de tous. La vérité se construit ainsi à partir de l’intervention de plusieurs acteurs. La vérité est ce qui donne à chacun le sentiment d’être en phase avec le mouvement. »
Une relation basée sur la vérité favorise la confiance, incite les Marques et les consommateurs à se conduire loyalement les uns envers les autres. Les Marques deviennent ainsi ce sur quoi on peut compter, se reposer mais aussi celles avec qui on peut se projeter dans l’avenir.
Ceci étant, qu’on le déplore ou non le défi des Marques se réduit le plus souvent à mettre en place une stratégie énonciative faite de promesses stimulantes adaptées à la représentation des attentes des consommateurs tout en conservant un parfum de vérité… Pour cela, vous l’aurez compris la Vérité doit faire preuve d’élasticité.
A la croisée de la vérité
Lorsque l’on s’intéresse à la vérité on rencontre en chemin : le vrai, la réalité, l’opinion, la comparaison, la similitude, la ressemblance, la véracité, l’analogie, le sens, la certitude, l’évidence, la rectitude, la sincérité, l’authentique, le juridique mais aussi la croyance, la foi, la différence, l’illusion, l’espérance, les pseudos, le mensonge, la tromperie, la feinte, le faux…
Le consentement des consommateurs à leurs représentations
Notre perception est une représentation en train de se faire, elle implique le jugement. Percevoir c’est comprendre, comprendre c’est juger, juger c’est vouloir adhérer, acheter, croire, aimer… sans oublier que la valeur que l’on accorde à nos représentations relève du désir qui n’a de sens que celui qu’on lui prête.
« L’homme est un constructeur d’horizons, d’idéaux. Il façonne des illusions qu’il appelle vérités, et c’est grâce à elles qu’il peut vivre dans ce monde tragique. Ses idéaux se déploient devant lui en grandes causes auxquelles s’attache sa dévotion et qui donnent sens à sa vie. »
Chantal Delsol
Dans une société qui se sent frustré par la réalité, les consommateurs préfèrent croire en ce qu’ils espèrent et non pas en la vérité. En cela, il se pourrait bien comme le souligne Ernest Renan que la vérité fut triste mais la vérité n’est pas là pour nous rendre heureux. Par contre, Internet pourrait bien aider les consommateurs dans leurs démarches car l’objectif algorithmique des moteurs de recherche c’est de nous proposer des réponses qui nous confortent dans ce que nous pensons et croyons à partir de nos requêtes, de nos sites visités, des questions que nous posons. Ainsi, les consommateurs préfèrent écouter ce qu’ils ont envie d’entendre et ce à quoi ils veulent adhérer dans un déni de la réalité. Cette illusion n’est pas forcément une erreur, mais elle conduit au désappointement, à l’insatisfaction perpétuelle, à l’oubli de soi. Elle incite les Marques à adapter leurs discours aux publics auxquels ils s’adressent. On objectera alors que le discours vise la vraisemblance au détriment de la vérité cependant si la vérité s’avère nécessaire doit-elle se priver pour autant de l’art de persuader ? Tout cela pour dire que la vérité des mots réside dans leurs usages et qu’il serait bon de tester la vérité à la mesure des pratiques des consommateurs.
La vérité, sans trop !
L’homme est second dès qu’une vérité existe. C’est peut-être l’une des raisons pour laquelle les Marques regardent la vérité en lui prêtant des intentions. Cette attitude engendre la méfiance chez le consommateur pour qui la vérité est le plus souvent une affaire personnelle.
Au regard de la vérité, toutes les opinions qu’elles soient vraies ou fausses sont des jugements de valeur imprégnés de passion, de pulsions et d’affects. Adossées à la paresse les opinions se figent en convictions.
La vérité n’apparaît plus ainsi comme essentielle et par conséquent quitte son statut normatif.
La vérité est devenue une opinion comme les autres.
Préférer la vérité plutôt que croire vrai ce que l’on désire demande lucidité et courage. Cette disposition que l’on peut considérer comme un art de vivre libère partiellement notre jugement des passions. Elle est le bien-fondé de la communauté. Cependant, on peut s’essayer à la lucidité et au courage mais sans l’intelligence, l’entendement se limite à ce que nous sommes capables de voir et à nos « réflexions conceptuellement préinformées ».
En attendant que la vérité s’accorde avec la raison et le vouloir nous nous satisfaisons « d’une vérité incomplète, en devenir ou falsifiée ». « La vérité n’est plus qu’une cible, au pire que l’on rate volontairement ou involontairement, au mieux un désir et un vouloir de viser juste. » Cependant, que l’on ne s’inquiète pas outre mesure, car même si nous perdions nos vérités dogmatiques ce n’est pas pour cela que nos valeurs disparaîtraient. Les figures du bien comme la paix, la sollicitude (solidarité, pitié, charité, amitié…) et la dignité humaine persistent à des degrés divers, elles continuent d’accompagner le développement des sociétés.
Notes :
Aristote définie la vérité comme « adaequatio rei et intellectus », adéquation de la chose et de l’intellect. Martin Heidegger reformule la proposition en ces termes : adéquation de l’intellect à la chose.
Plusieurs phrases de cet article proviennent de notes d’ouvrages. J’ai retravaillé plusieurs d’entre elles. Je m’excuse auprès de leurs auteurs de ne pas les nommés mais si je le faisais je risquerais, à la fois d’attribuer à certains d’entre eux des citations dont ils n’ont pas la paternité quant aux autres de mal les citer.
Parmi les ouvrages qui m’ont aidé à rédiger cet article je citerais le « Vocabulaire européen des philosophies ».
(1) « Que la terre tourne autour du soleil c’était déjà vrai quand personne ne le savait et qu’il y eut des chambres à gaz cela sera toujours vrai quand bien même il n’y aurait plus personne pour le penser. »
Dernière mise à jour : 7 mars 2024