L’inquiétude c’est la prise en compte du différent, la crainte que l’on peut ou non définir et maîtriser. « Toute l’inquiétude existentielle que nous vivons ne provient pas uniquement de l’irrésolution des désirs et de l’angoisse de mourir, elle résulte de l’inquiétude d’être livré à un monde dont l’infinité et la contingence lui sont inadmissibles. »
L’inquiétude est un sentiment qui se traduit par de l’agitation psychique et physique. Elle provoque un désir de changement qui vise à faire cesser la crainte, en cela l’inquiétude est un puissant motif d’action. Elle nous demande de changer d’horizon, de nous ouvrir au monde. Une part de nos inquiétudes se prolonge en désir, en espoir. Elle sert de moteur à la transformation matérielle et immatérielle du monde.
« Les vies de consommateurs se construisent autour des soucis et des distractions…«
Mouvement alternatif d’ouverture et de fermeture, c’est le moment où nous nous confrontons au monde dans l’espace balisé des Marques qu’elles soient commerciales ou non. Consommateur, nous nous projetons dans un univers consumériste jusqu’à ce qu’une fois rassasiée, notre inquiétude satisfaite, nous nous retirions en nous-mêmes. Est-ce un mode d’être inné de l’individu au monde ou un acquis culturel ? C’est de toute évidence une attitude que le marketing et plus largement notre culture investit.
Si par leurs initiatives les Marques suspendent l’inquiétude, on ne peut attendre de ces initiatives qu’elles suppriment ce qui les engendre. Elles ne peuvent que soulager dans le meilleur des cas et pour le pire conduire à développer des idéaux plus fort que sa propre vie en d’autres termes préférer la mort à la vie.
Des Marques pour rencontrer le monde
Les Marques sont pour le consommateur sa manière de rencontrer le différent et d’étendre l’horizon de ses possibles. Ces possibles se construisent autour des sensations d’attirance et de répulsion qui conjuguent des attitudes fusionnelles à des attitudes réfléchies. La croyance, la confiance et l’engagement y jouent les rôles principaux sur fond de mondes qui se construisent et se déconstruisent. Dans ce mouvement incessant, les Marques deviennent des repères.
Les hommes après avoir été échaudés par leurs croyances en des systèmes théologico-politiques sauvegardent leurs espérances en se tournant vers le bonheur consumériste. Ce mode d’ouverture au monde n’est rien moins qu’un arrangement, une réponse à l’esseulement. L’homme dans le monde défini et délimité des Marques se sent soulagé partiellement de son angoisse d’être au monde parce qu’il peut le saisir et le maîtrisé.
Les Marques se proposent alors comme une valeur de refuge avec laquelle se valoriser et valoriser le quotidien. Ce quotidien devient avec elles un espace de certitudes, un abri confortable, une assurance sur l’existence. Les Marques dessinent ainsi les contours de notre univers, certes rétréci mais au combien confortable où l’inquiétude ne séjourne plus que dans des « réserves naturelles » délimitées et protégées par les hommes.
Le marketing des émotions excelle dans le jeu qui alterne inquiétude et assurance. Les Marques y ajustent les consommateurs à son environnement qu’elles ont rendu fréquentable. En d’autres termes, elles domestiquent l’inconnu, elles transforment l’aventure en une existence familière.
L’homme s’est construit avec les Marques, des interfaces pour rencontrer le monde.
Le consommateur comprend et organise son monde à partir des Marques selon une logique et des règles propres. Ces formes ont acquis une légitimité pratique. Elles possèdent en elles-mêmes une logique et un principe de légitimation qui les mettent à l’abri de toute irrationalité. Elles deviennent une instance de validation de nos perceptions et de nos pratiques. La liberté devient avec les Marques un exercice appareillé, évalué et validé par les consommateurs. Cette expérience sécurisée, réconforte et permet aux consommateurs de se projeter dans le futur. Les Marques transforment ainsi l’extériorité illimitée, indéterminée, brouillonne du dehors en une forme consommable.
Vaincre l’inquiétude avec les Marques
Un des versants de l’inquiétude c’est la méfiance et le doute. Comment des sentiments, des volontés, des représentations poursuivies par autrui pourraient-ils rejoindre mes intérêts ? « Je ne suis jamais pour vous ce que je suis pour moi.» Confronté à l’intérêt ainsi qu’aux modifications de son espace physique et moral accentué par un excès de familiarisation qui fige et clos notre environnement le consommateur va à la rencontre du monde avec appréhension.
Le consommateur est un animal qui éprouve de la crainte, la crainte de ne pas savoir, d’être dépossédé de la maîtrise des événements. Pour vaincre sa peur, se rassurer et se protéger il s’informe. Sa curiosité satisfaite, maître chez lui, il peut repartir à la conquête du monde pour se l’approprier.
L’intensité de l’inquiétude varie selon le degré de domestication de l’inconnu. La récurrence des activités circonscrites et réductrices devenues pour ainsi dire naturelle, voire involontaire et inconsciente détermine le degré de notre domestication et participe à évaluer l’intensité de notre inquiétude à percevoir notre environnement proche et lointain comme menaçant. C’est en domestiquant cette menace de l’inconnu, en nous y familiarisant que les Marques vainquent l’indécision des consommateurs, transformant l’inquiétude en acte d’achat. C’est au prix de la répétition quotidienne inachevée que le consommateur se (re)construit son existence et sa confiance. L’indétermination de l’Être à sa naissance se transforme en une détermination construite et définie. Une lente et secrète affinité entre la proie et le prédateur se développe. Le monde des Marques, c’est celui auquel on croit déjà sans savoir que l’on y croit, un monde de proximité, familier, sécurisant, un espace de partage.
Entre répétition et aventure
Le phénomène de la répétition permet aux Marques d’exister, c’est en se répétant auprès de nos cinq sens que les Marques s’installent dans le tempo qui alterne l’assurance à l’aventure. Pour arriver à ce résultat, il aura fallu vouloir la répétition. Dans la société consumériste l’individu est un individu volontaire dont l’un des modes d’être est la répétition. La répétition installe les Marques dans notre quotidien, elle transforme le nouveau en du commun, de l’ordinaire. Elle supprime le questionnement, le doute puis l’inquiétude. Cette impression de répétition poussée à ses extrêmes prend l’aspect de l’invariabilité absolue qui rend invisible, en nous laissant croire que tout y est déjà manifeste. On finit par ne plus les regarder tant on les connaît.
On peut noter d’une part que si les Marques contribuent à domestiquer l’étrangeté du monde, leur renouvellement trop soutenu les déstabilise car il devient impossible pour elles de transformer le flux en répétition. A contrario, dans notre volonté de vouloir tout maîtriser, la répétition et les habitudes affadissent le goût pour la vie, nous ressentons le besoin du différent. Dans ces conditions, quand la nouveauté, l’imprévisible surgissent nous rangeons le passé pour adopter ce qui nous est proposé.
La familiarité, le mode d’être des Marques auprès des consommateurs
Les humains luttent avec les Marques contre la contingence, remettant sans cesse de la mesure, de l’ordre de la prévisibilité et de la stabilité à l’aide de lois et de codes pour sécuriser l’imprévisible. Les Marques sont les moyens que se donnent les hommes pour concilier leurs besoins d’aventure avec leurs aspirations à la stabilité. Elles incarnent la forme domestique de l’aventure, elles aménagent son monde pour en faire un lieu sûr. Elles recentrent l’univers infini sur le monde clos de la familiarité. Elles contribuent non seulement à donner une forme douce, convenue et acceptable à l’inconnu mais elles structurent le monde autour d’elles selon les modes du proche et du lointain, du fréquenté et de l’oublié… Les Marques recherchent et favorisent à la fois l’équilibre et le déséquilibre, l’ordre et le désordre, le permanent et le temporaire. D’un côté elles assoient leur réputation en présumant que ce que nous avons vérifié par le passé sera valide dans toutes les situations pour l’éternité, de l’autre, elles se nourrissent de l’inconstance pour renouveler leurs offres. Les Marques « reconfigurent » le consommateur à chaque étape, en l’encourageant à souscrire des assurances sur le familier tout en flattant son tempérament aventurier.
Les Marques associent les affects aux choses, les attitudes aux coutumes, d’objet affectif elles deviennent des objets rationnels.
L’économie affective des Marques gère nos pulsions et nos émotions.
Les Marques sont la manière que les hommes ont choisie pour habiter le monde et pouvoir habiter leur vie sur le mode des affinités pratiques. La relation s’établit sur le mode de l’appropriation et de la chosification comme on peut le noter avec les noms des Marques qui s’insèrent dans notre vocabulaire quotidien chargé de sens et d’émotions.
Les Marques construisent notre expérience du monde
Les Marques construisent une sphère d’adaptation au monde autant qu’elles construisent des mondes. Elles sont des repères spatiaux, temporels et sociaux qui fournissent aux consommateurs des appuis dans leur existence. Elles se présentent comme des évidences naturelles intangibles, alors qu’elles sont des constructions humaines artificielles que les consommateurs s’approprient.
Peut-on dire ce qu’on est ?
Les Marques peuvent-elles nous dire ce qu’on est ?
C’est dans et par le monde des Marques que la vie s’expérimente, développe ses impulsions, remplit et satisfait ses attentes. Notre vouloir vivre est un vouloir vivre dans le monde des Marques. Les hommes aspirent au monde des Marques comme à ce qui les réalise. Ils s’accordent avec la société dans la mesure ou résonne en eux la musique des Marques.
Les Marques nous font croire qu’il existe une plénitude possible en multipliant des fins dont on ne voit même plus en quoi elles seraient des fins.
Le mode de vie « domestique » des individus constitue un tissu homogène. Les objectifs intentionnels de la subjectivité avec l’importance qu’elle attribue à l’utilité cherchent sans cesse à donner du sens à notre société et favorisent ainsi le développement des Marques. Celles-ci laissent sur nous leurs empreintes même si elles se font et se défont sous nos yeux au quotidien. Elles participent à la construction et à la cohésion sociale qui transcendent les individus. Elles donnent une forme à des dispositions et des attitudes subjectives. Elles ajustent l’individu au monde objectif, que celui-ci soit de nature consumériste, transcendantale, politique ou autre. Pour le dire autrement, le consommateur prend en charge et contribue à l’émergence du sens dans ses choix qui sont la matérialisation de ses espérances et de ses peurs.
Avec les Marques l’homme devient processus et résultat
Les Marques s’imbriquent les unes dans les autres, forment des groupes, construisent des sociétés, définissent des normes. L’adhésion aux Marques construit un monde auquel on tient et par lequel on se maintient. La Marque resserre le lien social par son effet de mimétisme qu’elle provoque sur la population. Son influence est d’autant mieux partagée par la population qu’elle s’exerce sur des activités premières (se nourrir, dormir, se vêtir…). Ses activités couvrent non seulement les besoins physiologiques et les besoins d’auto conservation mais aussi le social, l’économique, l’esthétique, l’affectif, le politique, le transcendant…
Les Marques possèdent cette capacité de normaliser le singulier et le différent, elles nous transforment en consommateurs prévisibles. Toute modification dans la conformation de l’individu devient une modification codifiée, répertoriée et ordonnatrice. Elles participent à la standardisation de l’existence et à sa légitimation.
Le processus dynamique des Marques est lui-même porteur de valeurs : le nouveau, le convenable, le conforme. Les Marques dessinent ainsi les cadres de notre vie en société. Elles orientent notre vie, la structure tout au long de notre existence. Elles régulent nos comportements, déterminent et modèlent la réalité en valorisant certaines expériences par rapport à d’autres. Elles définissent ce qui est convenable et choisissent ce qui les conforte. La normativité quotidienne des Marques soumet passivement la vie de l’homme, participe à sa formation et nourrit le processus civilisationnel. Le comportement du consommateur s’ajuste continuellement aux Marques qu’on lui proposent et vice versa. En devenant un phénomène naturel les Marques contribuent à rendre nos actes irréfléchis et spontanés. Elles modifient notre rapport corporel et habituel au monde.
Avant nous les Marques, après nous les Marques
Si nous nous adaptons aussi facilement aux services et aux produits que nous proposent les Marques après une période d’apprentissage plus ou moins longue c’est qu’ils renferment les schèmes de compréhension et d’action nécessaire à la réminiscence des modes d’emplois matériels et spirituels. Ou, pour le dire autrement l’utilisation de chaque objet ou service proposé par les Marques contient l’adaptation de plusieurs générations d’êtres humains, excepté dans les périodes de rupture technologique. Parmi la masse des objets et des services proposés à la consommation, l’utilisation de quelques-uns d’entre eux modifient notre manière de vivre et bouleversent l’héritage (mémoire, culture, ergonomie, compréhension des modes de fonctionnement, le pourquoi et le comment faire…) partagé et transmis par nos aïeux. Le schème s’inscrit à la fois dans le geste de l’utilisateur et dans le produit ou le service. Utiliser une Marque, c’est s’installer dans sa configuration intellectuelle, symbolique et pratique. Cet héritage « dynamique » inscrit sous des formes stables la nouveauté. Il donne les moyens psychologiques aux Marques d’affronter la persistance des anciennes habitudes et d’ouvrir un espace au changement. Les habitudes engendreront à leurs tours des coutumes. Elles soulignent aussi bien l’aptitude d’une génération d’individus que ses habitudes. Cette pratique d’acclimatation de l’homme aux services et aux objets facilite le travail des Marques à qui il revient le soin d’enrichir les objets et les services de fonctionnalités : intellectuelle, technique, affective et symbolique. Les Marques se composent ainsi de biens matériels et intellectuels mais aussi des schèmes de compréhension et d’action des utilisateurs. Cette pratique quotidienne et spontanée des Marques forment et conforment l’esprit et le corps des individus. En traversant les générations les Marques assurent leurs pérennités. Elles habitent nos outils, nos monuments, nos œuvres d’art, nos institutions…
« Voir, ce n’est jamais simplement voir, c’est toujours voir comme, comme ceci ou cela, selon des expressions visibles et des contextes de sens, selon un regard qui est déjà une compréhension… ».
Nous naissons dans un monde socio-culturel-économique-historique qui nous est déjà donné, les Marques s’y exercent dans un contexte de valeurs et de fins.
Les Marques un rendez-vous existentiel pour l’homme
Les Marques possèdent chacune dans leurs domaines des réponses pratiques à la plupart de nos inquiétudes consuméristes, spirituelles, ou citoyennes. Les Marques se postent là où les individus se dirigent. Elles suspendent, détournent, captent son attention, dirigent son regard, norment son environnement et participent à sa stabilité. Elles apaisent son expérience angoissante, lui construisent un espace compensatoire et une vie assurée-rassurée-réassurée toute pleine d’elle-même. Elles conduisent ses aspirations à s’ouvrir au monde vers une expérience aseptisée, frileuse de l’altérité.
Les Marques gouvernent nos émotions. « Là où l’émotion évoque quelque chose de bref, d’intense et de spontané, le sentiment paraît plus enraciné dans la durée et plus accessible au discours. »
Elles circonscrivent le monde au périmètre de ses préoccupations et relient le citoyen, le croyant, le consommateur à l’objet de ses préoccupations. Ainsi transforment-elles le doute en assurance et deviennent-elles l’enveloppe à l’intérieur de laquelle l’Être se déploie. Nous sommes celui ou celle qui a besoin de cette forme pour s’y conformer et perdre ses inquiétudes. Celui ou celle qui se dispose à consentir et à recevoir.
Le monde se révèle à l’homme sous la forme du besoin, les Marques symbolisent la réponse à ce besoin, contribuent à remplir le vide, l’indéterminé de l’individu, elles participent à nos ajustements et nos arrangements avec nous-mêmes au quotidien. Avec elles, l’infini devient fini ; l’incertain, certain ; le contingent, nécessaire ; l’aventure humaine, un cadre réglementé. L’éducation, le travail, consolident ces fondations.
Le combat des Marques contre le doute et l’indéterminé
L’être humain est un être indécis, instable, hésitant dans un espace que les Marques balisent et organisent. Elles ajustent les consommateurs à leurs mondes parce que l’homme est indéterminé. Dans ces mondes les Marques y réduisent la contingence et l’inquiétude originelle des individus qui s’expriment dans des conflits tels que le présent avec le futur, l’ordre avec le mouvement, les habitudes avec la nouveauté. Les Marques donnent à l’agitation inquiète du consommateur un but qui concilie à la foi les exigences de conservation de soi et d’exposition à son milieu.
L’individu est un consommateur décidé à agir et les Marques lui facilitent le passage du peut-être au certain en affaiblissant le sentiment de crainte tout en favorisant l’espérance. Pour les Marques, le doute n’existe pas, elles combattent le scepticisme naturel, cherchent à représenter et nous faire partager une figure sereine du consentement au monde. Le pire pour les Marques survient quand plus rien ne parle au consommateur, lorsqu’il est envahi par cette tristesse qui le rend muet et que l’on diagnostique comme un état dépressif.
« Les émotions humaines ne sont pas tant spontanées que rituellement organisées, contagieuses et donc sociales par nature. C’est pourquoi certaines émotions ont disparu au fil des âges quand d’autres ont émergé. »
Autour des Marques ce sont des rites qui s’actualisent, un ensemble homogène et régulier de comportements qui célèbrent une cérémonie profane ou religieuse. Ces comportements répondent à une multitude d’exigences. Ils définissent un style et une légende, un capital de sympathie que la publicité et le marketing solliciteront dans leurs futurs campagnes.
Les Marques en refondation
Les individus construisent sur de nouvelles bases des mondes particuliers qui prennent pour règles de nouvelles attitudes et idées aux valeurs et fins différentes qui se transforment lorsqu’elles réussissent à s’imposer en Marques. Ce phénomène ainsi que la part de la contingence dans notre vie en société évitent au système de se dégrader.
« Dans cette économie contradictoire s’ouvrent des espaces où le rigide accueille le flexible, l’homogène l’hétérogène, le même le différent, le familier l’étranger. »
Les Marques : une relation précaire et provisoire au monde
L’implantation des Marques dans la vie des hommes a si bien réussi qu’elles masquent temporairement son insécurité originelle. C’est seulement dans les moments critiques et pénibles de leurs existences que l’inquiétude se dévoile à nouveau aux hommes. Toutes nos certitudes alors bâties s’effritent et laissent place au désarroi. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir voulu y croire et d’efforts passés à construire patiemment nos Marques. En cela notre mode de consommation n’aura pu qu’atténuer l’inquiétude engendrée par notre relation précaire et provisoire au monde.
« Je fais toujours confiance à l’inquiétude et à l’instabilité parce qu’elles sont un signe de vie. »
Citation attribuée à Jean Genet
Le conflit entre l’inquiétude et la confiance en soi a vu se déplacer la confiance en soi vers la confiance envers les Marques qui conduit sans cesse les hommes à construire des médiations que sont les Marques pour s’ouvrir au monde et se relier les uns aux autres.
Les Marques, l’illusion consentie
Les Marques se présentent sous des atours inventifs et festifs. Elles savent communiquer, innover. Elles jouent de la répétition et de leurs forces passives, pour nous contraindre. Se rendre conscient et se détacher des illusions que les Marques déploient n’est pas une tâche aisée car il existe un fossé entre la conscience de l’illusion et sa délivrance pratique.
La connaissance de l’illusion et de ses mécanismes ne supprime pas l’illusion « comme si la lucidité ainsi conquise, loin d’aboutir à une émancipation, atténuait simplement l’aigreur d’être trompé sans le savoir ». S’illusionner est une attitude naturelle pour l’homme, c’est une des stratégies que les individus mettent en place pour éliminer la peur, le doute, l’ennui. Les consommateurs n’éprouvent donc que peu d’intérêt à les combattre dès l’instant qu’elles continuent à atténuer leurs souffrances.
Se mentir ce n’est pas renoncé à la vérité, mais faire passer cette dissimulation pour la vérité. L’adoption de cette attitude dissimulatrice si elle berne tout le monde n’est plus tout à fait un faux-semblant mais un principe. Là, où tout à chacun s’abuse, la mystification devient vérité et réalité avec pour conséquence d’instituer le milieu des Marques comme milieu naturel pour l’homme.
L’espace territorial des Marques
L’expérience du monde porte en elle l’histoire des hommes et de ses Marques. Les Marques deviennent le monde commun à partager, elles présentent une expérience commune dans leurs utilisations ainsi qu’une manière similaire de se présenter et de se comporter.
La stratégie des Marques consiste à construire des mondes matériels, symboliques, virtuels dans lesquels elles circonscrivent des territoires, et recadrent l’aventure pour l’usage du consommateur, du citoyen et du croyant.
Les hommes naturalisent les Marques qu’ils créent en leur prêtant des intentions et en les habillant des caractères propres que l’on attribue plus volontiers aux humains.
Pourvus d’une économie et d’un territoire, les pays, qui sont pour leurs citoyens leurs Marques nationales, dessinent une unité géographique et historique dans un univers mondialisé.
Si on peut identifier certaines Marques commerciales en les rattachant à un pays « natal », les Marques commerciales transcendent celui-ci tout en conservant un parfum de civilisation, un ersatz de cultures singulières. En s’appuyant sur les coutumes anciennes et en développant de nouvelles, elles régulent les comportements, et les inscrivent dans notre patrimoine culturel.
Avec les Marques nous vivons de certitudes, dans un monde incertain. Pour autant, l’individu est-il capable de se confronter à sa liberté ? A l’état originel, l’homme jouissait de la possibilité pure mais sans pouvoir, avec les Marques le consommateur a choisi de faire de sa liberté une réalité ordonnée.
L’Homme évolue lentement à l’intérieur de son cadre qui se distend. Ses pratiques se modifient pendant que les Marques se renouvellent. Il oscille entre la volonté de se fixer et celle de s’affranchir, entre le repos absolu et la mobilité pure. Si l’homme se départait de son inquiétude il y perdrait sans doute une part de sa vitalité et de sa frénésie.
J’ai emprunté à Bruce Bégout plusieurs concepts que vous retrouverez dans son livre « La découverte du quotidien ».
Une part des citations entre guillemets sont extraites de son livre.
Date de mise à jour : 14 mai 2024
Date de publication initiale : décembre 2007