« Exister, c’est se tenir et être tenu hors du néant, l’esse est un acte, une perfection, l’ultime perfection, une fleur brillante où s’affirment les choses.«
Maritain, Sept leçons sur l’être.
L’Idée de Marque est un sujet pour la pensée et le discours. Elle
appartient aux entités abstraites privées de réalité matérielle tandis
qu’incarnée dans ses produits et ses services elle est saisie par les
sens et contribue à élaborer et transformer la notion de Marque qui nous
habite. Il y aurait ainsi une essence universelle des Marques, dont
chaque Marque dans son existence individuelle historiquement située
serait un échantillon contingent, chaque Marque en particulier façonnant
l’Idée de Marque en général.
Si l’Idée de Marque se réduit à l’ensemble des qualités qui définissent
chaque Marque en particulier, quelle est la nature de ce qui supporte
ces qualités ? Comment une Marque peut-elle agir, avoir un rôle
économique et social, c’est-à-dire, naître, pâtir et mourir en étant
dépourvues de corps ? Comment un objet intellectuel peut-il recevoir une
forme, être façonné ?
Je suis un phénomène
On pourrait répondre à ce questionnement que la Marque n’est que
phénomène au sens de son origine grecque, oscillant entre l’idée
d’ « apparaître avec éclat » et celle de seulement « paraître,
sembler », le phénomène est alors quelque chose de peu sûr, à la limite
une illusion. Dans ce cas, son essence serait inaccessible à l’homme qui
ne pourrait, au mieux que reconnaître sa puissance ou ses pouvoirs qui
révèlent son existence.
Toutes les Marques ne sont que des formes accidentelles de l’idée de
Marque. Des Marques particulières meurent, mais l’idée de Marque demeure
et s’étend sur plusieurs générations. Le processus se rejoue à
l’identique dans la relation que les produits entretiennent avec la
Marque. Des produits disparaissent pour être remplacés par de nouveaux
tandis que la Marque et son capital d’immatériels demeurent.
Je suis mes attributs
Dans de multiples occasions, force est de constater que le produit ou
le service se présente comme l’attribut essentiel ou substantiel (qui
entre dans la définition de l’essence de la Marque). Supprimez ce
produit ou ce service et la Marque pourrait perdre sa raison d’être.
Pour prolonger son existence la Marque a continuellement à se faire être ce qu’elle est.
Dans le cas ou l’existence précèderait l’essence, l’existentialisme nous
suggère que la Marque aurait conscience d’être, qu’elle aurait un pour
soi. On pourrait alors s’interroger sur ce que pour une Marque
représente le fait d’être dans le monde, des conséquences et des
objectifs de son activité.
Maintenant, si nous considérons les Marques comme créatrices et que nous
nous accordons sur le point que la création commence par elle-même,
alors, pouvons-nous suggérer qu’avec les Marques l’essence est conjointe
à l’existence.
Cependant, il faut bien en convenir, les Marques ne sont pas causes
d’elles-mêmes comme Dieu pourrait l’être. Les Marques produisent du neuf
à partir d’un capital intellectuel et matériel qui les précèdent.
Ici et maintenant
La Marque a une histoire et cette histoire est solidaire de son
existence : seule, en effet, l’existence est dans le temps, l’essence
étant, elle, par définition immuable. Penser la Marque comme essence
serait se référer à une abstraction n’ayant jamais existé. Pourtant, la
Marque surgit dans le monde pour des raisons motivées. Elle est à la
fois suffisamment déterminée pour se différencier et suffisamment
indéterminée pour accepter d’être projet. Pour autant, son essence
apparaît plus distinctement dans le courant de son développement, quand
ses caractéristiques affirment sa différence tout autant que les traits
communs qu’elle conserve avec l’ensemble.
Elle est traversée par le monde. Fruit de la subjectivité, elle émerge
dans l’univers qu’elle choisit puis se désagrège en produisant et se
transforme en se désagrégeant, s’adaptant perpétuellement à son milieu.
Date de mise à jour : 25 juin 2016
Date de publication initiale : 2005