« Le patriotisme, c’est l’amour des siens. Le nationalisme, c’est la haine des autres. »
Romain Gary
La nation est un processus. Il commence d’une manière informelle, non consciente puis se fige à l’intérieur de frontières. Ce long processus, fruit de l’histoire, de la transmission, de la législation et de l’organisation du territoire a préfacé l’image d’une identité nationale qui se réforme au contact de l’expérience intime de chacun. Le lien social s’est ainsi nationalisé à la fin du XIXe siècle et la solidarité est dès lors passée du local à l’État(6). Pour le dire de manière plus synthétique ses institutions ont fait naître un peuple qui a pour conscience sa culture. Les citoyens y partagent une communauté de naissance.
La nation est concomitante à un État. Une nation se caractérise par son histoire(3), sa géographie, sa langue(1), sa culture, ses mœurs, parfois son identité ethnique, religieuse mais aussi par ses institutions et son économie. D’autres préféreront la réduire à ces trois composantes que sont ses frontières, l’autorité de son État et sa population.
La nation est souveraine, elle affirme sa volonté face à la fatalité. C’est une construction intellectuelle, un cadre d’expression politique, démocratique ou autocratique, voire religieux. Rappelons ici que la monarchie fonctionne sur l’honneur, la république sur la vertu, la tyrannie sur la peur, la religion sur la croyance et qu’il y a régime totalitaire lorsqu’il y a gouvernement par la terreur.
Le territoire
Le territoire est un espace délimité et propriétaire rythmé par le temps où se tisse l’histoire. Dans ce contexte où l’on revendique sa propriété et qu’on s’entend la défendre, son insertion parmi d’autres territoires pose la question du voisinage.
Quand on habite un territoire on est habité par son milieu. Posséder c’est être possédé, ainsi, territorialiser c’est tout autant être territorialisé.
L’article 2 de la constitution énumère les symboles identitaires
La langue de la République est le français.
L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
L’hymne national est la « Marseillaise ».
La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
On peut rappeler ici que les symboles ne sont pas des normes, ils n’ont pas valeur normative.
Bloc Marque de la France
La politique identitaire
On est et l’on naît, toujours (de) quelque part. Les Marques possèdent chacune un point d’origine enrichie d’une culture. Pour les citoyens, sujets (du roi) avant la révolution, c’est le même principe. Notre identité nous identifie et nous différencie, bien qu’elle change tout au long de notre parcours, notre identité cherche à se maintenir en dépit des événements. C’est le bagage que nous transportons nuit et jour. En cela, elle s’oppose à l’identité invariable que l’on accorde aux choses inertes, identifiables dans le temps. Ce chemin de l’identité est éminemment personnel, car la mémoire des signes et des récits que l’on acquiert est différente selon son parcours.
La nationalité est-elle un privilège ou/et un droit ?
En conséquence de quoi l’identité nationale varie au gré de la composition de la population. Son développement est favorisé par les dynamiques d’identification. Elles se nourrissent d’émotions et d’intérêts partagés que nous déployons pour participer à construire un passé commun.
Faire du commun avec du différent
Dans un milieu hostile, la seule ressource pour l’individu esseulé est de se fondre dans une communauté, un groupe, un clan, une ethnie… Avec l’apparition de l’État-nation a émergé la notion de « Providence » associé à l’État en tant qu’il offre aux individus des prestations qui lui permettent de s’émanciper de ses liens tutélaires, d’accéder à une plus grande autonomie avec concomitamment un accroissement de l’individualisme.
Pour savoir à quoi l’on ressemble il faut se confronter à celui qui ne nous ressemble pas en d’autres termes l’accès à soi passe par l’étranger, l’extérieur à soi. Ces différences émergent dans la rencontre pour ensuite être rabattu dans la relation à la figure du semblable. Entrer en relation intègre l’Autre, elle l’assimile. Conserver la personnalité de tout ce qui est étranger dérange au point de ne pouvoir le tolérer que rendu au même qui n’est qu’un semblant du semblable.
Doit-on apprécier les différences comme des richesses possibles ou comme des dangers certains ?
Dans un monde hétérogène, la multiplicité des cultures apparaît comme une richesse. Elle s’accompagne d’exigences et de revendications qui peuvent être prises en charge par les institutions et la citoyenneté tant qu’elles respectent les valeurs des Marques nation. A contrario il est difficile pour des citoyens de faire culture avec d’autres cultures quand les individus décident de faire sécession et refusent de s’intégrer. Cependant, il existe des stratégies d’évitement qui rassemblent au lieu de séparer, c’est le cas lorsque les individus poursuivent un même but celui de l’enrichissement par exemple. Ils oublient alors leurs confessions et leurs idéologies pour s’unir dans le but d’un plus grand profit. Dans ce cas, les tensions se déplacent et se cristallisent sur une peur commune à savoir la faillite. D’une manière générale cristalliser les belligérants sur une peur commune comme par exemple une pandémie peut suspendre temporairement les tensions entre communautés.
Dans ces conditions les peuples peuvent-ils se rassembler autour de valeurs universelles et éviter comme le dit René Char que « parole, orage, glace et sang finissent par former un givre commun ». Pour poser la question autrement, une ethnie ou une communauté peut-elle devenir un peuple, permet-elle la constitution d’un État-nation?
L’habitus chez les Marques nation
Nous sommes les citoyens de Marques nation qui étaient déjà là dans la plupart des cas avant notre naissance ou notre immigration. En cela, elles nous installent dans un mode de vie, des mœurs et des usages. Consommateurs socialisés, précâblés, porteurs de structures sociales, nous regardons le monde avec les yeux de notre culture. Notre éducation émane de la famille, de l’école, de l’environnement professionnel… Nous intégrons lentement des manières de penser, de sentir et d’agir au fil d’apprentissages (orthographe, grammaire, histoire, code civil, code de la route, informatique, calendrier…) que des certifications, des diplômes sanctionnent. Ces habitudes acquises puis répétées sans fin au travers de nos comportements et pratiques expliquent pour partie la similitude des réponses dans les approches sensorielles cognitives et réactives des citoyens.
Caractéristiques et singularités de la Marque nation
La Marque nation figure en France l’unité et la puissance d’une société d’individus représentée par un parlement élu au suffrage des citoyens. Elle intègre des pluralités pacifiées dans une continuité historique dont les ardeurs belliqueuses sont contenues et sublimées dans les confrontations sportives. Cette identité nationale s’agrège au fil d’une expérience commune pour devenir une mémoire publique.
La Marque nation place l’État en tant qu’institution au-dessus des composantes du monde social et les réglemente. Pour cela l’État doit subordonner ou neutraliser les divisions communautaires sans appartenir à l’une des parties. Son action s’exerce dans le meilleur des cas dans l’intérêt général avec l’aide du service public dont elle se dote. Elle construit avec et pour les citoyens des règles de vie en société faites de droits et de devoirs (lois) dont l’intérêt bien compris entre les individus participe à l’adhésion au projet sociétal.
On peut considérer l’identité de la nation comme fixiste ou comme une essence néanmoins, elle conserve un degré de mobilité et de variabilité. Sachant que c’est en persévérant dans son être, plus ou moins consciente d’elle-même que se forge la communauté nationale pour aboutir à une Marque nation. Pour cela elle prend parfois les formes d’identités meurtrières jusqu’à confondre la terre avec le sang et devenir la terre des morts.
Suivent ici les caractéristiques que partagent pour certaines d’entre elles la Marque nation avec les Marques commerciales et religieuses :
– La démographie est sa forme sociale d’existence
– Elle recherche la visibilité et atteste de la possession d’un territoire en le « clôturant »
– Son projet est collectif, basé sur l’intérêt national et l’intérêt général de ses citoyens
– Elle se construit avec et depuis des individus aux identités multiples, métissées et mouvantes
– Elle constitue un repère spatial et temporel
– Elle protège les hommes contre les doutes, en fondant un univers familier et intime
– Elle fournit un appui pour vivre le quotidien à des citoyens qui sont susceptibles de partager les mêmes valeurs et resserre ainsi le lien social
– Elle fédère les énergies humaines et accompagne les changements que la communauté génère
– Elle intègre ce qu’elle rencontre (acculturation)
– Elle favorise le développement économique, social et culturel
– Elle laisse une empreinte dans les esprits et parfois sur les corps
– Elle donne chair à des idées, charnelle, elle devient porteuse des aspirations et des sentiments humains
– Elle possède comme toutes les autres Marques son représentant en la qualité du Chef de l’État pour la France ainsi que des institutions
– Elle est structurée hiérarchiquement
– Elle exerce ses fonctions dans une architecture construite à son intention
– Elle est animée par un désir d’expansion qui par le passé s’est traduit par le colonialisme et dont l’une des formes actuelles est le patriotisme économique(5)
– Elle superpose le symbolique au réel
– Elle adopte des postures dans le but de transmettre un message clair ou subliminal (nudge) concernant la personnalité et le projet politique du gouvernement
– Elle s’est dotée de symboles identitaires que l’article 2 de la Constitution décrit
– Elle édite des signes identitaires : drapeau, vêtements, timbres…
– Elle détient des médias : édition, radio, télévision, sites Internet
– Elle possède son propre patrimoine historique, architectural, culturel
– Elle s’appuie pour construire son projet citoyen sur les Idées, les principes et l’économie
– Elle identifie ses citoyens à l’aide de documents administratifs tels que la carte d’identité, le passeport, en cela elle distingue les nationaux des étrangers.
La Marque France
Les Marques nation se cherchent des ancêtres, elles assimilent l’histoire à la généalogie, leurs origines à la lignée et par voie de conséquences elles continuent de rechercher leurs dates et lieux de naissance ainsi que de calculer leurs âges respectifs.
La démocratie est née au sein de l’État nation.
En évoquant la Marque France, nous viennent à l’esprit pêle-mêle :
– sa devise : « liberté, égalité, fraternité » associée à la démocratie
– son territoire avec ses frontières (naturelles)
– sa situation géographique, province de l’Europe
– sa langue avec ses écrivains, ses artistes
– la Révolution française de 1789
– la laïcité (De civilisation chrétienne et d’obédience catholique à son début elle évolue vers la laïcité pour aboutir en 1905 à la séparation de l’Église et de l’État.)
– les principes universalistes
– son « découpage » administratif en départements et régions
– son attachement au terroir
– son droit du sol
– le rôle de l’État dans la vie économique
– ses rois, ses empereurs, ses hommes d’État : Louis XIV, Napoléon…
– ses monuments : la Tour Eiffel, le château de Versailles, Le Louvre, ses nombreux clochers…
sans oublier sa cuisine, son vin et ses produits de luxe… le tout, incarné par un buste de femme « Marianne » avec pour devise « liberté, égalité, fraternité » au son d’un hymne national patriotique « La Marseillaise », drapeau bleu blanc rouge flottant au vent.
La nation française(4) repose sur une continuité dynastique, territoriale, historique. Elle a connu plusieurs identités nationales : l’identité royale féodale, l’identité monarchique, l’identité révolutionnaire, l’identité républicaine – démocratique.
Ses règles reposent sur la Constitution, légitimée par la souveraineté populaire, le suffrage universel, la Constitution assure la continuité démocratique et républicaine. La France est perçue comme une nation où l’État est fortement présent et centralisateur, dotée d’une économie redistributive.
Une nation européenne est-elle possible ?
Pour créer une Marque nation européenne il faudrait pouvoir évaluer le degré d’homogénéité et d’hétérogénéité des pays qui la composeraient sachant que ni la démocratie ni la liberté dans l’ensemble de ces pays n’est acquise entièrement. Autant dire qu’avec la variété des figures à laquelle la Marque européenne renvoie ainsi que la manière dont l’Union européenne se présente à savoir comme une construction fondée sur le marché et le droit oubliant quelque peu son histoire civilisationnelle et par là même son héritage elle éprouvera des difficultés à remplacer dans le cœur des citoyens les noms de leurs nations réciproques. Résultat, la notion de peuple européen est portée par les élites et non pas par le reste de la population.
On ne défend plus la nation mais un mode de vie européen.
Est-on prêt à mourir pour défendre ce mode de vie?
Si l’on évalue la constitution d’une Marque nation à partir du degré de patriotisme des individus, la probabilité est faible qu’une nation européenne voit le jour, car le patriotisme européen existe peu. Ceci étant, on peut se sentir membre de plusieurs communautés, se revendiquer appartenir à une région, à une nation et s’afficher européen. Le risque étant pour l’individu qui serait tenter de devenir autonome en se coupant de tous les liens qui le fait exister de s’effondrer sur lui-même et par la même occasion d’entraîner avec lui la société qui n’existe que par les relations qu’entretiennent les individus qui la fondent.
Avec l’évolution des régions qui souhaitent acquérir leurs indépendances vis à vis des États auxquelles elles sont rattachées on peut se demander si les Marques nation seraient prêtes à promouvoir une Europe fédéraliste composée de régions transfrontalières avec un gouvernement central, ce qui aurait pour conséquence de remettre en cause les Marques nation elles-mêmes et leurs organisations.
Quels facteurs fragilisent la Marque nation ?
– L’idéologie des droits de l’homme qui se réclame de la civilisation et non pas de la nation fait de chaque individu un sujet de droits à la différence du peuple et de ses citoyens qui comme sujets de la nation relèvent des droits du citoyen. En acceptant les principes universels des droits de l’homme, les peuples acceptent par voie de conséquences que les particularités de leurs nations s’amenuisent aux risques de ne plus reconnaître leurs places dans le concert des nations.
– La monnaie unique européenne pour les pays de l’Union européenne qui ont adopté cette monnaie d’échange au sens où elles perdent leur capacité à pouvoir dévaluer leur monnaie nationale
– L’insertion dans un espace européen qui effrite quelques-unes des prérogatives des États nations
– L’effacement des frontières
– La mondialisation ou globalisation
– Le développement des villes qui transforme les nations en sociétés multiculturelles
– La perte des coutumes et des traditions
– La paix
– La suppression du service militaire obligatoire en France
Le citoyen rechigne à défendre le modèle de sa Marque nation jusqu’au sacrifice de sa vie(2). Les Français ne veulent plus mourir pour leur nation, mais ils y sont attachés affectivement et sont nostalgiques d’une représentation fantasmée d’une époque révolue.
– Le syncrétisme
– L’individu plongé dans un bain mondialisé de culture, d’appétit d’informations, d’émotions qui recherche paradoxalement refuge dans une identité de proximité
– L’émancipation des individus qui peuvent intégralement se choisir avec pour conséquence la multiplication des identités spécifiques au détriment d’une unité commune
– Les communautés, le multiculturalisme, les diversités qui s’additionnent. La promotion de celles-ci face au modèle qui promeut l’assimilation.
Les individus tendent à se définir en premier lieu comme appartenant à des communautés sans qu’ils éprouvent la nécessité que celles-ci soient subsumées dans une superstructure qui serait la nation ou qu’ils la revendiquent en tant qu’appartenance. Dans ces conditions on peut se poser la question de savoir si les valeurs qui composent le « moi » de chaque communauté peuvent rencontrer le « nous » de la Marque nation ?
– Les identités culturelles régionales comme la langue
– …
Quels facteurs renforcent la Marque nation ?
– Le principe de la souveraineté qui réside dans la nation
– Ses racines dotées d’un riche passé
– La fierté des peuples à disposer d’eux-mêmes, le sentiment national
– Son assise
– Son identification à un modèle, pour les Français : universaliste, providentialiste (protection sociale, santé, sécurité, éducation, justice comme droit aux citoyens)
– Son patri(e)moine : architectural, ses écrivains, ses héros(2) (Panthéon)…
– Sa langue avec sa capacité d’intégration
– L’enseignement de son histoire nationale et de sa géographie
– Ses frontières stables
– Ses institutions avec son armée
– Son terroir
– La peur de la mondialisation qui provoque un repli derrière les frontières. Les citoyens se sentent menacés, la population demande à son État nation plus de protection économique et sociale
– Ses supports identitaires : carte d’identité, passeport, timbres, médailles, drapeau, vêtements…
– Ses médias nationaux
– Les rencontres sportives internationales
– Les liens entre l’État et les établissements financiers ainsi que sa participation capitalistique associée aux droits de vote dans les grandes entreprises vitales au développement du pays dans les secteurs de l’énergie, des transports, des télécommunications, de la défense, le tout dans un espace d’échanges économiques mondialisé.
La construction du roman national
Pour retrouver le passé, l’histoire combine des mémoires contradictoires. Des mémoires qui sont à l’exercice du temps présent. L’histoire a appris aux citoyens ce qu’ils étaient et elle leur sert de modèle. Chaque pays la raconte selon ses intérêts afin de créer la réalité dans laquelle faire vivre sa population.
« L’histoire rassemble, la mémoire divise. »
Pierre Nora
D’une patrie charnelle la Marque nation s’aventure vers des espaces indéfinis qui conservent du passé, de l’histoire et de la mémoire le nom des rues, des monuments et des commémorations. Cette représentation patrimoniale mortifère de l’identité collective peut raviver les potentialités conflictuelles voire génocidaires des clans du « nous » face à celui du « eux » et vice-versa. Une communauté dominante face à des communautés minoritaires, une culture dominante face à des individus qui sont le plus souvent en situation de précarité.
Parmi les événements, certains pèsent plus lourd que d’autres. Ce sont ceux à partir desquels on date, par exemple la naissance et la mort, à partir desquels on peut développer des temporalités. Ce sont ceux-là où le temps s’amoncèle en durée. On les commémore. La mémoire s’y réfère pour fonder notre identité.
« Nous construisons notre passé et nous appelons cela mémoire. Ensuite, nous chérissons cette mémoire dans l’oubli du passé. […] La mémoire c’est le passé vu depuis le présent […] La mémoire n’est pas l’histoire. »
Thierry Dutour, France Culture – Concordance des temps, 18 juin 2022
Quand l’identité d’un État est stable et univoque, la mémoire des citoyens peut s’y référer sans équivoque pour dire ce qu’ils sont, mais, lorsque le doute s’installe, les identités vacillent. L’illusion serait alors de croire que l’on peut construire une mémoire qui parlerait d’une même voix à un moment où à l’intérieur de la nation s’opposent des identités irréductibles les unes aux autres. Pour rappeler à chacune d’entre elles le socle commun de la Marque nation les commémorations d’événements passés se voient attribuer une place dans le présent. Elles luttent ainsi contre l’oubli et renforcent l’identité des Marques nation. Mémoire sélective, hiérarchisée, les commémorations réactivent le sentiment de puissance et participent à la réécriture du roman national. On les choisit pour leurs exemplarités et les valeurs qu’incarnent leurs héros.
« One way to turn a state into a nation is to write its history. »
Jill Lepore « Foreign affairs »
Choix politique et moment symbolique d’exercice du pouvoir, les commémorations se multiplient quand les mémoires sont concurrentes et que l’avenir n’apparaît plus aussi clair et radieux qu’au temps des promesses. Elles rappellent à chacun d’entre nous nos engagements de citoyen vis-à-vis de la collectivité. Entre subir son passé ou lui faire une place, la Marque Nation a fait le choix de le représenter au présent pour préparer le futur. Grandiose ou intimiste ces célébrations éclairent l’histoire qu’elles mettent en scène. A celles-ci l’on peut ajouter les journées du patrimoine qui offrent aux visiteurs l’opportunité de visiter l’héritage de la nation.
La mémoire qu’elle soit glorieuse ou mitée fonctionne dialectiquement avec l’oubli qui l’accompagne. Qui je suis, d’où je viens où je vais… le temps avance et l’on ne sait plus comment.
« Je connaissais l’histoire mais je ne connaissais pas la vérité »
Carlos Fuentes
Au prisonnier du passé apparaît alors la nécessité d’apprendre l’oubli pour préserver sa santé en évitant de rejouer sans cesse les scènes pénibles d’un passé tragique.
Notation des Marques nation
Les indicateurs pris en compte concernent (ESG) l’environnement, le social/sociétal, la gouvernance avec des variables multiples comme l’indépendance de la justice et la liberté de la presse, les inégalités de revenu pour le social/sociétal, etc. Les ONG se révèlent une source privilégiée dans ce domaine.
– Perception de la corruption
– Empreinte écologique
La Marque nation est-elle forte d’un futur ou n’est-elle qu’une forme transitoire ?
La Marque nation inscrit la permanence dans un monde qui n’est que flux. Elle s’inscrit dans un temps long contrairement aux événements fugitifs et aux consommateurs qui sont mortels. Cette constatation l’invite à définir un projet porteur de valeurs à laquelle une communauté la plus large pourrait adhérer. Ces valeurs changent au fil du temps et modifient le modèle de la Marque nation.
Là où des nations font advenir le futur, le précipite, la France, elle, s’emploie à prolonger le passé.
Les nations aux racines anciennes, dotées d’un riche passé possèdent des assises stables, mais ne sont pas perçues comme «créatives de possibles». Le temps immobile qui les habite réconforte leurs populations en leur donnant l’impression d’éternité, pourtant l’ébranlement des idéologies (le communisme), les réfugiés sur les routes à la recherche d’un pays d’accueil, l’augmentation de la population musulmane en regard de la diminution des chrétiens pratiquants, l’affaiblissement de l’identité nationale, les conséquences économiques et sociales de la mondialisation frappent aux portes des Marques nation. Celles-ci s’ouvrent sur leur démembrement : URSS, Yougoslavie, Soudan… mais aussi parfois sur la réunification de certaines d’entre elles : l’Allemagne, pour d’autres sur des régimes autocratiques.
La nation, la raison et la civilisation ont marché du même pas avec le mouvement des Lumières du XVIIIe siècle, mais l’esclavagisme, le colonialisme, l’État des nazis, le stalinisme et d’autres épisodes tragiques ont porté préjudice aux valeurs des nations qui sont perçues dès lors comme des nationalismes antagonistes à l’idéologie des droits de l’homme et des communautés.
Avec pour conséquences que :
– L’attachement des citoyens devient interrogatif. « L’idéal est devenu un vague attachement. Il concerne des bribes de sens en compétition avec d’autres… (Chantal Delsol) ».
– Le sentiment national a changé de cadre et de forme d’expression avec l’Europe ou bien encore avec le monde musulman qui se présente comme nation. A cela on peut ajouter la décentralisation, l’effacement des frontières, Internet… Pendant ce temps la France paysanne et ses traditions disparaissent, les modes de vie se modifient.
Aussi est-il légitime de se demander si la nation, isolée et de peu de poids, est la forme la mieux adaptée aux enjeux sociaux économiques, politiques, sécuritaires que la mondialisation a fait surgir et si les nations ne sont pas des formations sociales, économiques, historiques, culturelles devenues obsolètes. Si c’est le cas, doit-on les remplacer par de nouvelles constructions ? La Marque nation va-t-elle se restructurer, se recomposer ? Sous quelle forme et dans quel cadre ce projet se développera-t-il ? Sera-t-il basé sur les valeurs, les identités, ou bien encore l’économie ? Le projet s’il doit être collectif sera-t-il encore national ? La souveraineté de la Marque nation conservera-t-elle sa puissance et tous ses pouvoirs ?
(1) Bien que la langue change l’identité demeure.
(2) « L’héroïsme s’invente des causes et dissimule l’orgueil et la vanité sous le sacrifice. Les ’causes’ sont les paravents de la vanité » Chantal Delsol : L’âge du renoncement, éditions Cerf.
(3) L’histoire est une construction agencée de manière différente selon les historiens. Elle se constitue autour de lieux de mémoire qui sont autant de lieux mythologiques qui composent les identités des Marques nation.
(4) Les bases historiques, politiques et géographiques sur lesquelles repose le développement de l’identité de la Marque France :
Ci-après un choix personnel parmi les événements qui me semblent fondateurs de la Marque France. Cette compilation est le fruit de la consultation de plusieurs ouvrages dont le dictionnaire de l’histoire « Le petit Mourre », de Wikipédia ainsi que de nombreuses notes prises lors d’émissions de radio enregistrées. Il aurait été intéressant de compléter cette présentation, d’ouvrages littéraires, philosophiques, de films, peintures, musique, chansons qui façonnent l’image de la Marque France dans les esprits et dans les cœurs.
L’occupation humaine du territoire français est fort ancienne. Aux groupes présents depuis le Néolithique (9 000 avant JC) sont venues s’ajouter, jusqu’au premier millénaire, des vagues de peuplement successives composées de Celtes, de peuples germains Francs, Wisigoths, Alamans, Ostrogoths, Burgondes et de Scandinaves.
Le nom de la France est issu d’un peuple germanique, les Francs, attesté dès le IIIe siècle sur la rive inférieure droite du Rhin. Leur roi Clovis, puis ses fils, conquirent, entre 481 et 535, presque toute l’ancienne province romaine de Gaule, et au-delà, c’est-à-dire une grande partie du territoire de la France actuelle.
Seconde moitié du Ve siècle – Les historiens commencent à désigner la Gaule comme la Francie ou la France à partir du baptême de Clovis Ier et de Clotilde.
Pour « la-marque.com » la construction de la nation française commence avec la féodalité. A cette époque, vous en conviendrez, la démocratie n’existait pas, ni le français d’ailleurs, en tant que langue unique. Les frontières fluctuaient au gré des guerres et des mariages, on les traversait sans passeport. Les rapports étaient ceux du vassal à son seigneur et des luttes multiples entre seigneuries. Le pouvoir religieux était puissant voire prépondérant…
987-996 – Hugues Capet roi des Francs, fut le premier souverain de la dynastie capétienne. À partir du début du second millénaire, c’est la monarchie capétienne qui construit l’unité territoriale du royaume de France.
Le régime social et politique de la féodalité s’étend du IXe au XIIIe siècle. Ses vestiges s’étendent jusqu’à la révolution de 1789. Parmi les caractéristiques de cette période on peut citer : la vassalité, (les liens de dépendance d’homme à homme), les seigneuries multiples, le pouvoir et la puissance religieuse, les mariages d’alliance.
1180-1223 – Le règne de Philippe Auguste met en lumière les traits particuliers de la formation de l’unité française : œuvre essentiellement royale, scellée progressivement, en dépit de longues résistances, par une politique de centralisation monarchique assez ferme pour déposséder peu à peu des responsabilités politiques la grande noblesse locale, mais assez souple aussi pour maintenir une diversité de coutumes, de franchises, de privilèges, où les particularismes régionaux et communaux pouvaient trouver compensation.
Ce serait au XIIIe siècle que le roi des Francs se dirait officiellement roi de France et que les grands officiers du roi se titreraient peu à peu de « France ».
Si le nom de France ne fut employé de façon officielle qu’à partir de 1190 environ, quand la chancellerie du roi Philippe Auguste a commencé à employer le terme de rex Franciæ (roi de France) à la place de rex Francorum (roi des Francs) pour désigner le souverain, le mot était déjà couramment employé pour désigner un territoire plus ou moins bien défini. Ce terme de « France » fait suite à celui de « Francie occidentale », officialisé au traité de Verdun en 843 pour désigner la partie occidentale de l’empire carolingien, suite à son morcellement. Dès juin 1205, le territoire est désigné dans les chartes sous le nom de regnum Franciæ, c’est-à-dire royaume de France.
1302 – Désireux de consacrer d’une manière solennelle l’unité de la nation autour de lui, Philippe le Bel convoque pour la première fois les États généraux. En ce début de XIVe siècle, la France apparaît comme le champion de la politique « moderne », fondée sur la séparation du temporel et du spirituel. La notion d’hégémonie française se substitue à celle de l’empire chrétien.
1337-1453 – La guerre de Cent ans qui opposa la France à l’Angleterre contribua à définir le visage de ces deux nations. L’Angleterre ne possède plus dès-lors que Calais qu’elle conservera jusqu’en 1558.
Le développement de l’État moderne se fit en France, contrairement à ce qui se produisit en Angleterre, sur le mode d’une centralisation toujours accrue (voire par la suite : Louis XIV et l’opposition des Jacobins aux Girondins durant la révolution de 1789). La libération de la France avait été essentiellement l’œuvre du roi, d’une fille du peuple comme Jeanne d’Arc, d’un bourgeois comme Jacques Cœur, le « grand argentier » de Charles VII.
1523/1527 – Sous François Ier, le domaine royal coïncidait presque au territoire français actuel.
1539 – L’ordonnance de Villers-Cotterêts impose le français comme langue administrative et non plus le latin.
1598 – Avec l’édit de Nantes signé par Henri IV c’est la première fois qu’un État en Europe occidentale établit un régime authentique de tolérance fondé non pas sur l’arbitraire de prince imposant leur propre religion à leurs sujets mais sur le respect mutuel dans un même État des croyances d’autrui.
1638-1715 – Louis XIV, point culminant de la dynastie capétienne, « un roi absolument maître dans son royaume ». Sous le règne de Louis XIV, la France conquiert la Haute-Alsace, Metz, Toul, Verdun, le Roussillon, l’Artois, la Flandre française, Cambrai, la Franche-Comté, la Sarre, le Hainaut et la Basse-Alsace.
Dernier quart du XVIIe et XVIIIe – Le siècle des Lumières, un siècle éclairé par la lumière métaphorique des connaissances et non par l’illumination divine.
1715 – John Law : création du papier monnaie sous Philippe d’Orléans le Régent
1724 – Création de la Bourse de Paris
1763 – Fin du premier empire colonial français, le traité de Paris met fin à la guerre de sept ans entre la France et la Grande-Bretagne
1776 – Création de la Caisse d’escompte, elle est considérée comme l’ancêtre de la Banque de France, de la direction du Trésor et de la Caisse des dépôts et consignations. Elle n’avait cependant pas pouvoir de battre monnaie. La Caisse d’escompte a permis de lancer une politique d’emprunts publics à l’époque où l’armée et l’industrie se modernisaient.
17 juin 1789 – « Le tiers état se constitue en Assemblée nationale, décidant provisoirement, par un premier décret, la perception des impôts et le service de la dette publique. C’est l’acte de naissance politique de la nation. »
1789 – La France est divisée en 83 départements
La théorie politique et géographique délimite les frontières naturelles de la France au Rhin, à l’océan, aux Pyrénées et aux Alpes.
1792 – La nouvelle assemblée, la Convention déclare la royauté abolie et proclame la République.
Bonaparte place l’État au-dessus des partis avec des préfets représentants de l’État à la tête de chaque département.
1795 – La Marseillaise est décrétée hymne national le 14 juillet 1795. Les six premiers couplets avaient été écrits par Rouget de Lisle en 1792
La période révolutionnaire aura achevé l’unité administrative et politique de la France
1800 – Création de la Banque de France. Napoléon Bonaparte en 1803, lui confère le monopole d’émission des billets de banque. La Banque de France était une banque privée (200 actionnaires, appartenant aux 200 plus riches familles de France).
1802 – Création des lycées.
1803 – Création du franc germinal (la loi du 7 janvier 1795 permet l’émission des premiers assignats libellés en francs).
1804 – Code civil ou Code Napoléon : égalité devant la loi, liberté religieuse, garantie de la propriété individuelle… puis vient au cours du temps la possibilité donnée aux associations et syndicats de se constituer librement (loi Waldeck-Rousseau de 1884 et loi sur les associations de 1901). Émergeront alors conventions collectives, un droit foncier pour le voisinage (copropriétés) et l’aménagement (droit rural et droit de l’urbanisme). Il participe au rayonnement de la France dans le monde.
1808 – Création de l’Université impériale, un corps chargé exclusivement de l’enseignement et de l’éducation publiques dans tout l’Empire. Le texte prévoit six ordres d’écoles : les facultés (théologie, droit, médecine, lettres, sciences) ; les lycées ; les collèges ; les institutions ; les pensionnats ; les « petites écoles » (primaire).
Le nationalisme qui émerge au XVIIIe siècle (sans pour autant porter ce nom) dans la bourgeoisie, intellectuelle, commerçante et pré-industrielle s’étend progressivement à l’ensemble de la population (ou presque). Il a été renforcé par le système politique démocratique, la création d’une école gratuite laïque et obligatoire par Jules Ferry à la fin du XIXe siècle, l’instauration du service militaire, et entretenu par la création de divers symboles républicains, régulièrement mis en avant, comme le drapeau français, la Marianne et la Marseillaise.
1848 – L’Assemblée nationale confie l’exécutif à un président de la République élu au suffrage universel masculin.
1860 – Rattachement du comté de Nice et de la Savoie à la France.
La période contemporaine est marquée par des efforts d’unification linguistique et culturelle ainsi que par une immigration en provenance d’Europe, d’Afrique et d’Asie.
1905 – La laïcité, séparation des Églises et de l’État
1944/45 – Le droit de vote est accordé aux femmes en France…
5) Patriotisme économique : Est-il préférable d’acheter une voiture d’un constructeur japonais « fabriquée » en France, plutôt qu’une voiture d’un constructeur français dont l’État est actionnaire, « fabriquée » dans les pays de l’Est ?
6) « Le mot État est entré en 1696 dans la première édition du dictionnaire de l’Académie française. » Wikipédia – Histoire de l’État en France
Liste exhaustive des colonies françaises au cours de l’Histoire
Dernière mise à jour : 5 juin 2024