L’imaginaire permet de penser là où le savoir est défaillant. Un recours, une manière d’être au monde pour qui ne trouve pas dans la raison analytique et abstraite de moyen d’expression adéquat. Spinoza nous aurait dit « …moins l’esprit connaît plus il perçoit… ».
L’imaginaire d’une Marque, loin d’être un ensemble anarchique, chaotique, fait d’associations hétéroclites d’images, obéit à des structures et connaît une histoire marquée par un jeu subtil de constantes et de variations dans le temps. L’un de ses objectifs est de participer au mouvement, si la Marque n’est pas à la source, elle l’amplifie, il faut qu’avec son corps se réveille les autres corps. La Marque nourrit son imaginaire pour réenchanter le monde, réactiver le désir et susciter l’action chez le consommateur. Un consommateur qui deviendrait autonome, coupé de ses Marques qui le font exister, serait un consommateur qui s’effondrerait sur lui-même et si le consommateur venait à s’effondrer c’est la société consumériste qui s’effondrerait, car elle n’existe que par les consommateurs qui la fondent.
Imagerie ou imaginaire
Les images ouvrent aux émotions. Leur pouvoir réside dans le charme et la fascination qu’elles exercent.
L’imagerie quant à elle, désigne un ensemble d’images illustratives d’une réalité, le contenu de l’image étant tout entier déjà préinformé par la réalité concrète ou l’idée, le prêt à penser, la médiation d’image force, le dogmatisme, les stéréotypes, les discours non argumentés, auxquels on adhère.
L’imaginaire, lui, implique une émancipation par rapport à une détermination littérale, l’invention d’un contenu nouveau, décalé qui résulte de superpositions, de croisements, de métissages. On imagine avec nos croyances, nos idées, nos mythes, nos pulsions, nos désirs, dans un temps et un espace donnés. La répétition et la récurrence quant à elles installent la pensée réflexe et les enchaînements déductifs.
Le verbe et l’icône
La production conceptuelle est un rétrécissement de l’imaginaire, une rationalisation.
L’expérience verbale des mots remplace le réel par des signes abstraits et communs, tandis que l’expérience visuelle classe et différencie les objets par analogie, ces registres d’expression et d’information bien que différents sont complémentaires.
Au plaisir de consommer des Marques se superpose le bonheur par les signes. On consomme plus les signes des Marques que ses biens eux-mêmes.
L’expérience visuelle nous met en présence physique des choses, nous en construisons une représentation puis ces choses deviennent des objets adaptés aux contours de l’idée que nous nous en faisons. Il suffira pour s’en convaincre de dessiner un objet posé devant nos yeux pour nous rendre compte que nous dessinons naturellement l’idée que nous en avons et non l’objet avec ses accidents singuliers.
Le système langagier repose sur l’analyse abstraite. Il occupe dans le cerveau une place différente que les activités induites par la vue. La langue décrit, analyse, symbolise, métaphorise. L’expression langagière, fondée sur une combinaison d’éléments articulés permet une création indéfinie de nouveaux signes qui assurent un renouvellement constant d’images. La difficulté avec l’expression linguistique est qu’elle risque de manquer de prise sur la réalité, c’est pour cela que l’on établi une connivence verbo-iconique qui scelle un lien profond entre le visible, le lisible et l’audible, qui se complètent mutuellement voire se renforcent l’un l’autre.
Nous recourons aux mots et aux images différemment selon notre éducation, nous nous installons soit du côté des mots ou soit du côté des images. Nous mémorisons plus facilement les uns que les autres.
Les effets de la Marque sur le comportement
« …je voyais qu’aucune des choses, qui étaient pour moi cause ou objet de crainte, ne contenaient rien en soi de bon ni de mauvais, si ce n’est à proportion du mouvement qu’elles excitent dans l’âme… »
Spinoza
L’imaginaire agit sur le monde et le monde agit sur lui. Un objet ou sa représentation imaginaire s’accompagne par habitude d’un ressenti et d’une émotion diffuse. Notre expérience des images visuelles, auditives, et langagières de la Marque contribue à enrichir notre représentation du monde et participe à l’élaboration de l’identité de notre moi.
L’image comme source de projection et d’identification induit une empathie, une socialité par procuration envers les acteurs représentés à l’image et envers nos contemporains. Cette expérience relayée par les médias et les conversations s’impose comme un référentiel commun de société, un « fond commun de placement » pour le marketing.
L’imaginaire nous prive souvent de la liberté de jugement, il agit de manière perturbante sur nos affects en excitant des croyances et des devoirs aveugles. Il nous conduit à croire davantage à nos représentations qu’à l’ordre objectif du monde. Ces images fictionnelles reproductrices, pour être efficaces requièrent une part d’adhésion qui s’accompagne d’un vouloir ou d’un besoin de croire. Pour que les images se substituent au ressenti, il faut que l’être puisse les avoir éprouvées ou s’imaginer un plaisir ou déplaisir auquel il puisse associer cet événement.
Quelles conséquences pour la communication des Marques
Pour célébrer le mariage entre la Marque et le consommateur, la qualité évocatrice de la Marque doit rencontrer la puissance d’animation de l’imagination chez le consommateur. La participation de la Marque à la vie individuelle et collective chez chacun vérifie son efficience.
L’interprétation des signes suivant les traditions culturelles des communautés peuvent porter à confusion, ainsi les images ou les mots véhiculés dans un pays peuvent, dans une autre culture avoir un effet inattendu sur le public.
Si pour les ethnologues l’identité c’est ce qui ne change pas, pour la Marque qui se projette dans le futur la représentation de son identité se renouvelle régulièrement afin d’épouser ses aspirations. En témoigne les métaphores, qui, si elles ne sont plus utilisées perdent de leur puissance à faire partager leurs univers. Elles ne sont plus que des mots qui ont perdu leur pouvoir d’émouvoir, à charge pour les Marques de les renouveler pour susciter l’émotion.
Date de mise à jour : 4 avril 2021
Date de publication initiale : 2012